Inondations : Ces ouvrages qui ont sauvé Grand-Bassam (Reportage)

0 19
Débutés en mai 2024, les travaux de construction d’ouvrages de drainage des eaux de pluie à Grand-Bassam sont presque achevés. Mises à l’épreuve par les premières précipitations de la saison pluvieuse, ces canalisations réalisées dans le cadre du Projet d’assainissement et de résilience urbaine (Paru) démontrent déjà leur efficacité.
Le 10 juillet prochain, cela fera exactement 10 ans que Landry Beugré s’est installé à Guy-Kanga, un quartier situé au nord de Grand-Bassam. En une décennie, ce responsable d’entreprise que nous rencontrons, ce 12 juin, en début d’après-midi, dit en avoir vu des vertes et des pas mûres à chaque saison pluvieuse. Mais, cette année, il semble plutôt habité par la sérénité. Bermuda et débardeur, l’air insouciant, Landry promène délicatement ses doigts dans le feuillage de l’arbuste planté devant sa cour, reniflant le parfum des fleurs qui commencent à germer. À la pluie qui vient d’arroser la ville, ont succédé des éclaircies et un temps frais s’assimilant à l’effet d’une clémente tramontane. Une embellie du temps dont il ne peut se priver.

« Je profite du beau temps, parce que pour une fois, j’en ai la possibilité. Il faut dire que j’ai beaucoup subi les effets des inondations. Une année, dans la période des fortes pluies, la seule partie de ma maison qui avait été épargnée était la cuisine. L’eau sortait des carreaux dans toutes les autres pièces et remplissait la maison. Cela faisait peur. Les pompiers ont dû voler au secours de beaucoup de personnes dans le quartier. Dieu merci, cette année, on a ce canal qui permet de bien évacuer l’eau. Vous voyez, il a plu tout à l’heure, mais rien n’est resté. Je crois que notre problème est résolu », dit-il, visiblement satisfait des travaux qui ont été réalisés devant sa cour.

En effet, une canalisation d’un mètre et demi de profondeur et d’environ 4 mètres de large vient d’être construite à une quarantaine de mètres de sa cour. Barricadé avec de solides garde-corps métalliques d’un mètre de hauteur posés sur du béton armé, cet ouvrage de drainage des eaux pluviales traverse tout le quartier jusqu’à son exutoire au quartier Oddos, traversant l’ancienne route Abidjan-Bassam. Sa construction entre dans le cadre du Projet d’assainissement et de résilience urbaine (Paru) financé à hauteur de 155 milliards de F Cfa par le Groupe de la Banque mondiale et mis en œuvre par le ministère de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la Salubrité.

 

Vivien Tia, assistant Hse à la mission de contrôle, nous a guidé dans la visite des ouvrages. (Ph: Faustin Ehouman)
Vivien Tia, assistant Hse à la mission de contrôle, nous a guidé dans la visite des ouvrages. (Ph: Faustin Ehouman)

Plus qu’une nécessité, ces travaux étaient urgents dans la cité balnéaire. Il fallait contenir et réguler l’écoulement des eaux de pluie afin d’éviter qu’elles ne stagnent, se dispersent et inondent les routes et les habitations. En effet, la ville historique étant bâtie sur une plaine avec une nappe phréatique qui affleure presque, à la moindre précipitation, bonjour les inondations ! Avec ces canalisations, les eaux qui tombent semblent désormais avoir trouvé leur voie.

« On a creusé les canalisations dans les endroits les plus bas du terrain. Ensuite, vu que le terrain est globalement plat, on a dû accentuer les petites pentes existantes de sorte à faciliter l’écoulement de l’eau. Et sur les parois des canaux comme au fond, il y a de nombreux pores qui permettent de laisser passer l’eau qui vient de tous les côtés. Comme ça, la canalisation attire l’eau qui tombe dans les environs et même celle qui est dans le sol et la draine jusqu’à l’exutoire. Les dimensions ont été pensées dans une logique de long terme, avec des projections s’étendant sur plusieurs décennies », décrit fièrement Vivien Tia assistant Hse à la mission de contrôle, le groupement Setec-Terrabo, qui nous a conduit, avec son collègue Paulin Kouassi, dans une visite guidée du chantier.

70 % d’avancement, livraison partielle le 15 octobre

L’entreprise exécutante est A.R. Hourie. Elle a construit les canalisations suivant deux itinéraires pour les canaux désignés par les termes Lot 1 et Lot 2. L’un s’étendant sur 3 122 mètres linéaire et l’autre sur 2 975 mètres linéaire. Ils partent du quartier Mockeyville jusqu’à la lagune, en transitant par deux exutoires, l’un au quartier Château et l’autre à Oddos. Plusieurs passerelles ont été aménagées le long des canalisations pour faciliter le mouvement des personnes et des engins.

Marcel Viadinou, chef de mission du projet à Grand-Bassam, que nous avons rencontré un peu plus tôt à la base vie du projet au niveau du petit rond-point avant le carrefour Moossou, assure que les travaux sont globalement à un taux d’avancement de 70 %. 92 % pour le lot 1 et 56,5 % pour le lot 2. Sur le Lot 1, les ouvriers en sont aux travaux de finition. Il ne reste qu’à construire les 9 dalots prévus dans le plan. Une tâche qui, selon M. Viadinou, ne devrait pas prendre du temps. À l’en croire, cette canalisation sera livrée au plus tard le 15 octobre.

Les canalisations ont été construites suivant deux itinéraires qui traversent plusieurs quartiers de la ville. (Ph: Dr)
Les canalisations ont été construites suivant deux itinéraires qui traversent plusieurs quartiers de la ville. (Ph: Dr)

« En tenant compte du rythme des travaux, je pense que d’ici le 15 octobre, nous aurons achevé le Lot 1. Pour le Lot 2, nous avons soumis un avenant au bailleur parce qu’il y a encore trois dalots assez délicats à construire, notamment un sur l’ancienne autoroute. Après les dalots, il ne restera que de petits travaux de protection du talus. Mais déjà, ce canal arrive à bien canaliser l’eau. Si l’avenant est approuvé, les choses ne devraient pas durer », assure-t-il. Et Vivien Tia d’ajouter : « Nous avons fait des calculs et des extrapolations sur le long terme, de sorte que quel que soit le niveau de cru qu’on pourra avoir, ces canaux ne soient pas inondés ».

En attendant la fin des travaux, l’efficacité du projet est actuellement éprouvée avec succès en cette saison pluvieuse. « Les inondations sont derrière nous. Je dors sans peur depuis que les pluies ont commencé. La moisissure et les moustiques ont beaucoup diminué. Nous ne pouvons que remercier les travailleurs à chaque fois que nous les rencontrons », se réjouit Mawa Karaboué.

Richmond Ama, gérant d’une blanchisserie située en bordure de voie, tout près de la canalisation traversant le quartier Mockeyville, a prévu, à l’instar des commerces voisins, de rénover son enseigne, maintenant que le site a pris de la valeur. « Il y a un changement positif. Tout ici était rempli de pôtô pôtô (Ndlr, boue). On a dû fermer la blanchisserie. Il n’y a pas longtemps qu’on a rouvert. Mais, on compte refermer pour faire des travaux à l’intérieur. La seule chose que je peux demander, c’est que les barrières de protection soient plus hautes et solides, parce que beaucoup d’enfants viennent jouer ici », plaide-t-il.

Même si ce projet ne peut prétendre avoir réglé totalement les problèmes d’inondation à Grand-Bassam, en cette saison pluvieuse, il aura néanmoins mis à l’abri une bonne partie de la population. Il vient en supplément aux travaux de l’embouchure qui, selon les autorités locales, avaient réglé de 40 % les problèmes d’inondation dans la ville historique.

…………………………………………………………………………………………………..

Un site moderne pour les artisans impactés

En venant d’Abidjan, du côté droit de la Nationale A 100 (ancienne route de Bassam), en plein cœur du quartier Oddos, un site est en train d’être aménagé en vue du recasement des forgerons et commerçants impactés par le projet d’assainissement.

Les artisans impactés par les travaux ont désormais un nouveau site dans le quartier Oddos. (Ph: Dr)
Les artisans impactés par les travaux ont désormais un nouveau site dans le quartier Oddos. (Ph: Dr)

« Avant, on était situé vers le lycée moderne. On a dû quitter cet endroit car la canalisation traverse notre espace de travail. Nous sommes venus ici depuis janvier 2024. Pour le moment, tout va bien, nos clients qui sont en majorité des revendeurs viennent acheter nos produits dès qu’on a fini de les fabriquer », raconte Ibrahim Diakité, porte-parole des forgerons.

À terme, l’espace va abriter une cinquantaine d’artisans. Bien avancé, l’ouvrage devrait être prêt dans un mois. À ce jour, le pavillon où seront exposés les produits des artisans est déjà sorti de terre. Avec sa grande toiture en dalle, il est visible de loin et apporte une touche de modernité au quartier. Aérée grâce aux ouvertures sur tous les côtés, la structure est solidement soutenue par plusieurs grands piliers. Le circuit électrique est achevé, de même que le terrassement. Les entrepôts de stockage des produits ainsi que les latrines et les bureaux ont aussi été réalisés.

Juste à côté, les forgerons se sont construit un hangar de fortune sous lequel ils font fondre l’aluminium sur de grands fourneaux pour fabriquer des ustensiles de cuisine et divers objets destinés au marché local. À en croire Vivien Tia, il est prévu que cet endroit soit également aménagé afin de leur permettre de travailler dans les conditions idoines. Le projet comprend un air de jeu moderne multisport au bénéfice des populations environnantes.

Source:https://www.fratmat.info/

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.