La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a condamné, mardi 4 novembre à Bogotá, la suspension jugée arbitraire de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), y voyant un nouvel épisode de répression contre les libertés associatives.
Réunie en congrès à Bogotá, la FIDH a exprimé sa « vive indignation » après la suspension des activités de deux des principales organisations tunisiennes de défense des droits humains. Selon la fédération, ces décisions ont été prises « sans base légale solide ni respect des garanties procédurales », en violation de la Constitution et du décret-loi n°2011-88 sur les associations, adopté après la révolution pour garantir la liberté de la société civile.
Les autorités tunisiennes invoquent un contrôle administratif, mais aucune irrégularité n’a été constatée à l’encontre de l’ATFD ou du FTDES, dont les dossiers sont jugés conformes aux obligations légales. Les décisions de suspension auraient été notifiées sans motivation écrite, sans dialogue préalable et sans recours contradictoire. Pour la FIDH, il s’agit d’« une attaque frontale contre les libertés associatives » et d’une « stratégie délibérée de mise au pas du tissu associatif tunisien ».
« Le droit tunisien est devenu une arme entre les mains du pouvoir. Il est temps que la communauté internationale se tienne aux côtés de celles et ceux qui le subissent au lieu de ceux qui le manipulent », a déclaré Aïssa Rahmoune, secrétaire général de la FIDH. Selon l’organisation, le décret-loi 2011-88, censé protéger l’autonomie des ONG, est aujourd’hui instrumentalisé pour étouffer les voix critiques, sous couvert de soupçons de « financements étrangers » — pourtant autorisés par la législation tunisienne.
Cette dérive s’inscrit dans une séquence plus large de durcissement du pouvoir du président Kaïs Saïed, marqué par la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, la révocation de juges et la multiplication des poursuites contre des journalistes et militants. La justice, souligne la FIDH, est désormais utilisée comme un outil de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits humains.
Créée en 1989, l’ATFD, membre de la FIDH depuis 1994, est une organisation féministe de référence qui accompagne chaque année des centaines de femmes victimes de violences. Le FTDES, fondé en 2011 et membre depuis 2013, est un acteur central de la justice sociale, documentant les inégalités, la migration et les mouvements sociaux. Leur suspension, conclut la FIDH, « constitue une atteinte grave aux fondements mêmes de la Tunisie démocratique : liberté, dignité et solidarité ».
SOURCE : APA News/MK/ak/Tunis (Tunisie)