Le président Tebboune accélère les limogeages dans les grandes entreprises publiques, au risque de substituer à la corruption une gouvernance par la peur.
Une nouvelle vague de limogeages frappe les grandes entreprises publiques algériennes. Après Sonatrach, Madar, Logitrans, Algérie Poste et Sonarem, plusieurs dirigeants ont été écartés sur décision directe du président Abdelmadjid Tebboune, au nom d’une campagne de « moralisation de la gestion publique ». Une opération présentée comme une lutte contre la corruption, mais qui traduit aussi un recentrage autoritaire du pouvoir sur les leviers économiques du pays.
Le dernier remaniement en date a concerné, le 26 octobre, le géant pétrolier Sonatrach, pilier stratégique de l’économie algérienne. Son PDG Rachid Hachichi a été démis de ses fonctions et remplacé par Noureddine Daoudi, un technocrate du secteur. Ce changement survient à peine quelques jours après la mise à l’écart de Charaf-Eddine Amara du groupe Madar, remplacé par Lotfi Bouarara, ancien directeur de Global Agri Food.
Des entreprises comme Logitrans, la Société nationale de la sidérurgie (SNS), la Sonarem et Algérie Poste ont connu le même sort, avec des nominations en cascade imposées depuis la présidence.
Officiellement, ces mouvements s’inscrivent dans une dynamique de « lutte contre la mauvaise gestion » et de « redéploiement du secteur public », selon la communication officielle.
Derrière la rhétorique de la transparence, plusieurs observateurs y voient surtout une reprise en main politique des centres de décision économique. Ces groupes publics, qui pèsent lourd dans les finances nationales, constituent des relais stratégiques pour le régime, notamment dans un contexte où les recettes énergétiques assurent encore plus de 90 % des exportations.
La formule du « rouleau compresseur » employée par une source proche du pouvoir illustre cette logique de purge continue. En apparence, il s’agit d’assainir la gouvernance. En réalité, la méthode, souvent brutale et unilatérale, nourrit les soupçons d’une consolidation autoritaire du pouvoir économique autour du cercle présidentiel.
Depuis la nomination de Sifi Ghrieb au poste de Premier ministre en septembre, avec un mandat axé sur la relance économique, le président Tebboune s’est imposé comme le véritable chef d’orchestre du secteur public. Il fixe les priorités — diversification économique, lutte contre les importations, souveraineté énergétique — mais concentre également la décision stratégique entre ses mains.
L’ambition d’atteindre un PIB de 400 milliards de dollars d’ici 2027, et de hisser l’Algérie au rang de deuxième puissance africaine, repose désormais sur un appareil d’État étroitement contrôlé. Pourtant, la succession des limogeages fragilise la stabilité managériale de groupes essentiels comme Sonatrach ou la SNS, déjà minés par la bureaucratie et l’opacité.
Au-delà du discours officiel sur la moralisation, cette politique du coup de balai permanent installe un climat de défiance dans la haute administration. Les dirigeants d’entreprises publiques opèrent désormais sous la menace constante d’une éviction, ce qui limite leur marge d’initiative.
Cette instabilité, conjuguée à un cadre réglementaire rigide et à une absence d’autonomie décisionnelle, freine paradoxalement la performance que le gouvernement prétend stimuler. Alors que Tebboune entend bâtir une économie diversifiée, la concentration des décisions à la présidence risque de maintenir le pays dans un schéma rentier centralisé, peu propice à l’innovation et à la transparence.
SOURCE : APA News/MK/AK/Sf/Alger (Algérie
 
			