Arrivée en Afrique du Sud, annoncée au Maroc, Revolut est la plus grande banque numérique d’Europe. Pas d’inquiétudes, sa présence ne fera qu’ajouter un peu de piquant au menu.
Avez-vous déjà participé à un braai (barbecue sud-africain typique) où chacun doit apporter un plat ? En général, les gens préparent ce qui, selon eux, plaira à tout le monde. Il en résulte généralement une sélection de plats familiers, personne n’osant sortir des sentiers battus, jusqu’à ce qu’un « ami d’un ami » apporte une salade de pommes de terre revisitée de manière originale. Tout le monde ne parle plus que de cela, et même s’il y avait déjà une salade de pommes de terre sur la table, celle-ci reste intacte. Les gens se sont rués sur cette nouvelle recette audacieuse.
Voici peu, l’actualité financière en Afrique du Sud était dominée par l’annonce que Revolut, la plus grande banque numérique d’Europe, envisageait de s’implanter en Afrique du Sud. Depuis cette nouvelle fracassante, beaucoup s’inquiètent de menaces éventuelles sur les banques traditionnelles.
Les banques qui souhaitent conquérir les clients fortunés et avertis en matière de numérique, susceptibles de constituer l’épine dorsale de votre prochaine génération de richesse, ne peuvent pas se contenter de rester les bras croisés avec leur vieille recette.
Je ne partage pas cet avis. Des sentiments similaires ont été exprimés lorsque TYME et Bank Zero ont fait leur apparition. Bien qu’elles se portent bien, elles n’ont pas réussi à détrôner les « Big 5 » (Standard Bank, FirstRand, Absa, Nedbank et Capitec) ni même à entamer leurs bénéfices de manière significative.
Je travaille avec des dirigeants de grandes banques traditionnelles sud-africaines depuis près de deux décennies et, dans l’ensemble, ils trouvent toujours le moyen de coexister avec les nouveaux acteurs du marché.
À mon avis, le lancement potentiel de Revolut en Afrique du Sud n’est pas une révolution culinaire, mais un changement subtil dans le menu bancaire. Il soulève toutefois une question cruciale : qui est prêt à s’adapter et qui risque de se retrouver avec une offre obsolète ? Il ne s’agit pas d’un bouleversement total du secteur, mais d’un affinement ciblé de l’expérience numérique.
Des Sud-Africains fidèles à leur banque
En effet, le nouvel arrivant met l’accent sur les clients adeptes du numérique, un segment qui privilégie de plus en plus un accès financier mondial et fluide. Les institutions qui ont bâti leur réputation sur des services numériques haut de gamme, comme Discovery Bank, pourraient se retrouver confrontées à une concurrence accrue, car elles proposent une offre similaire à celle de Revolut, même si leurs fonctionnalités diffèrent.
Le paysage bancaire numérique sud-africain a mûri au cours des dix dernières années. Les données de Statista montrent que le volume des transactions via les applications mobiles a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et continuera de croître, reflétant une transition vers la banque numérique pour certains segments de la population bancarisée, à savoir les consommateurs avertis, aisés et très aisés. Alors, si votre banque veut empêcher Revolut d’attirer l’attention de ces clients, que devez-vous faire ? Comment les banques sud-africaines doivent-elles réagir ?
L’étude 2024 South Africa Banking Consumer Study réalisée par Accenture révèle que la banque principale des consommateurs détient 73 % des revenus bancaires, ce qui place l’Afrique du Sud au deuxième rang mondial derrière l’Espagne. Cela montre que les Sud-Africains sont plus fidèles à leur banque principale que les Européens ou les Américains. Les banques doivent donc privilégier les stratégies qui renforcent la fidélité des clients et augmentent leur part de marché, afin de compliquer la tâche de Revolut pour séduire les clients existants. Voici comment :
– Adapter les programmes de parrainage, non seulement pour les nouveaux clients, mais aussi pour récompenser les clients existants qui s’engagent davantage.
– Tirer parti des données et de l’IA pour proposer des outils financiers personnalisés dans l’application existante. Il peut s’agir d’objectifs d’épargne ciblés, de recommandations d’investissement basées sur les habitudes de dépenses ou d’outils de budgétisation personnalisés. En devenant un élément essentiel de la vie financière du client, la banque renforce sa fidélité.
– Utiliser l’IA agentique pour identifier et traiter de manière proactive les points faibles potentiels des clients à grande échelle, en combinant le numérique et le contact humain (ce que les banques purement numériques ont du mal à faire).
Conserver les saveurs locales
– Le programme de paiements rapides, ou PayShap, introduit un nouvel élément dans cet ensemble. Revolut placera-t-il Payshap au cœur de son offre ou le considérera-t-il comme un simple complément destiné à satisfaire la réglementation ? Les banques sud-africaines devraient intégrer le paiement rapide dans autant de leurs offres numériques que possible.
Soyons réalistes : l’arrivée potentielle de Revolut n’est pas le plat principal du braai. Les banques qui souhaitent conquérir les clients fortunés et avertis en matière de numérique, susceptibles de constituer l’épine dorsale de votre prochaine génération de richesse, ne peuvent pas se contenter de rester les bras croisés avec leur vieille recette.
Elles doivent rivaliser avec Revolut sur son propre terrain (le numérique et l’IA), tout en conservant les saveurs locales qu’un produit européen importé ne peut reproduire. La question est la suivante : allez-vous servir le même accompagnement fade, ou allez-vous créer un chef-d’œuvre culinaire qui leur donnera envie de revenir ?
Heidi Custers est diirectrice de la transformation numérique chez Backbase.
@ABanker
Source: NewAfrican/Le Magazine de l’Afrique