RDC : La condamnation de Matata Ponyo, un épouvantail brandi sous le nez de Kabila Vers une levée de l’immunité parlementaire du ministre de la Justice Constant Mutamba. Le verdict est tombé le mardi 20 mai en fin de journée. Augustin Matata Ponyo est condamné par la Cour constitutionnelle à 10 ans de prison pour détournement de fonds publics dans le dossier du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo entre 2013 et 2016. Le procureur général de la République, M. Moke, avait requis des peines de vingt ans de prison contre tous les prévenus. Ses deux coaccusés, l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo, et le responsable de l’entreprise sud-africaine Africom, Christo Grobler Stéphanus, ont chacun été condamnés à 5 ans de prison dans deux dossiers distincts mais liés au parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Ce projet mis sur pied sous le gouvernement Matata prétendait lutter contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en RDC et particulièrement dans la région de la mégalopole de Kinshasa. Le parc, aujourd’hui complètement à l’abandon et qui n’a jamais été réellement fonctionnel, était un espace de près de 80 000 hectares situé sur les provinces du Kwango et du Kwilu (ex-Grand Bandundu), à près de 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa. Près de 250 millions de dollars La justice congolaise reproche à Matata Ponyo et ses coaccusés d’avoir fait main basse sur près de 250 millions de dollars déboursés pour le développement de ce projet et de son extension à Kinshasa qui n’ont jamais vu le jour. Dès sa naissance, le projet avait été contesté par les agriculteurs de la région qui ont été spoliés de leurs terres sans dédommagement. La ligue congolaise contre la corruption (Licoco) avait rapidement pointé l’absence de transparence dans la plupart des marchés passés de gré à gré. Elle avait aussi pointé de multiples cas de surfacturation, notamment des engins agricoles vendus par la société d’un des coaccusés pour des montants parfois quatre fois supérieurs au prix du marché international. RDC: la Cour de cassation renvoie Augustin Matata devant la Cour constitutionnelle Matata a été présenté par la justice congolaise comme “l’auteur intellectuel” de cette immense arnaque. Son procès s’était ouvert devant la cour constitutionnelle, qui juge en premier et dernier ressort, en mai 2021. Six mois plus tard, en novembre 2021, la Cour constitutionnelle s’était finalement déclarée incompétente pour juger l’ancien Premier ministre qui s’est présenté à l’élection présidentielle de 2023 avant de se désister au profit du candidat Moïse Katumbi. Quatre ans plus tard, la même Cour constitutionnelle a donc condamné l’ancien Premier ministre qui ne cesse de crier au procès politique et dénie à cette cour la compétence de le juger. Kabila visé à travers Matata Pour plusieurs observateurs de la vie politique congolaise, il ne fait guère de doute qu’à travers Matata Ponyo qui, avec ses coaccusés, se voit aussi confisquer ses biens “au prorata des sommes détournées”, c’est l’ancien président Joseph Kabila qui est dans le viseur du pouvoir congolais. La tension est de mise entre Tshisekedi et Kabila depuis le divorce entre les plateformes politiques Cach et FCC qui devaient se partager le pouvoir après l’installation de “l’opposant” à la présidence congolaise au mépris des résultats du vote des électeurs lors de la présidentielle de décembre 2018. Depuis des mois, cette tension s’est transformée en guerre larvée, voire en chasse à l’homme. Depuis des semaines, le sénat planche sur une levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président. Une procédure qui vient de connaître un coup d’accélérateur. RDC : Kinshasa met la pression sur les proches de Kabila Le Sénat a en effet entamé ce jeudi 15 mai l’examen de la demande de levée d’immunité sénatoriale de l’ancien président. Il est accusé par les autorités congolaises de complicité avec les rebelles de l’AFC/M23. Joseph Kabila, qui vit en exil depuis le mois de décembre 2023, est aussi accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, massacres de civils. Deux membres du gouvernement, Jacquemain Shabani, vice-premier ministre chargé de l’Intérieur, et Constant Mutamba, ministre de la Justice, l’accusent de jouer un rôle actif dans le conflit armé dans l’est de la RDC. Félix Tshisekedi l’a accusé d’être l’instigateur de la rébellion. Parallèlement, depuis des semaines, des proches collaborateurs de Kabila, comme Barnabé Kikaya Bin Karubi, annoncent un discours “historique” de l’ancien chef de l’État. Une prise de parole qui irrite et inquiète le régime Tshisekedi qui a multiplié les intimidations à l’égard de Joseph Kabila et de ses proches (perquisitions, saccage de certains biens à Kinshasa par les troupes des Forces du progrès, la milice du parti présidentiel, convocation par la justice de certains de ses proches collaborateurs politiques, arrestations,…). RDC: Un immense aveu de faiblesse de la part de Félix Tshisekedi “ En condamnant Matata Ponyo, en montrant qu’ils peuvent faire sauter les immunités parlementaires et peuvent chercher à séquestrer les biens des condamnés, le gouvernement congolais fait passer un message à Kabila”, explique un avocat congolais. “La tension est de plus en plus palpable, les multiples négociations qui semblent avancer autour de la crise congolaise radicalisent les positions”. Le ministre de la Justice sous pression La position du gouvernement congolais est affaiblie ces derniers jours par un dossier financier qui éclabousse le ministre de la Justice Constant Mutamba, l’homme qui avait annoncé détenir des preuves sur le rôle de Kabila au sein du M23. Non seulement, il n’a rien amené comme élément à charge de l’ancien chef de l’État mais il se retrouve lui-même impliqué dans une histoire de détournement de fonds dans le cadre d’un projet de construction d’une prison de deux étages à Kisangani. Un énième contrat passé de gré à gré et un énième déboursement de millions de dollars dans des conditions suspectes. La Première ministre semble prendre ses distances par rapport à son ministre face aux irrégularités de ce dossier de construction de prison qui déjà aurait englouti 19 millions de dollars.

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