Centième anniversaire de la naissance de Patrice Lumumba, histoire d’un héros congolais

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Patrice Lumumba… a été assassiné de sang-froid, puis dissous dans de l’acide. Mais ses os et ses dents ont résisté.

Après avoir tenté de dissoudre ses restes, le commissaire de police belge au Katanga, Gérard Soete, et son frère Michel, ont versé de l’essence sur les restes et les ont brûlées.

L’opération a duré deux jours. Soete est reparti avec un souvenir troublant : un doigt de Lumumba et une paire de dents en or, qu’il avait extraits du crâne à l’aide d’une pince.

Voici l’histoire de Patrice Lumumba, un révolutionnaire et héros national du Congo – le plus jeune Premier ministre du pays à seulement 34 ans.

Naissance d’un leader

Lumumba est né en 1925 de parents agriculteurs catholiques analphabètes dans un petit village de la province de Katako-Kombe au Kasaï, dans ce qui était alors le Congo belge.

En 2013, sa ville natale a été rebaptisée Lumumba ville en son honneur. Il était de l’ethnie Batetela.

Lumumba a fait preuve de leadership et de rébellion dès son plus jeune âge. Il a été expulsé de l’école à deux reprises pour avoir remis en question l’autorité et participé à des débats.

Il a contesté les croyances établies, notamment la conception de la virginité de Marie et la représentation de Dieu sous les traits d’un homme blanc.

Après 75 ans de domination coloniale oppressive, la stratégie de la Belgique pour l’indépendance du Congo consistait à abandonner le contrôle des affaires moins importantes tout en conservant la main mise sur les secteurs clés tels que l’armée, les politiques économiques et les affaires étrangères.

Les efforts de la Belgique pour affaiblir Lumumba en soutenant les alliances de l’opposition ont été vains. Ils avaient déjà semé de profondes divisions ethniques par le biais d’une politique de « diviser pour régner ».

La population de colons blancs – plus de 100000 personnes – s’est inquiétée de la montée des aspirations à l’autonomie. Si Bruxelles était prête à accorder l’indépendance, les colons ne l’étaient pas.

Lutte contre le colonialisme

En 1960, le parti de Lumumba, le MNC a remporté les élections après avoir mené la lutte pour l’indépendance contre la domination coloniale belge.

Lumumba est devenu très populaire, la voix du peuple, et a bénéficié d’un soutien dans tout le pays.

Il devient Premier ministre, mais la joie a été de courte durée.

En juin 1960, lors de la passation de pouvoir, le roi belge Baudouin a fait l’éloge de la colonisation et a parlé de son ancêtre Léopold II, le qualifiant de « civilisateur » et de grand dirigeant.

Il n’a pas mentionné les millions de personnes qui sont mortes ou ont subi des atrocités sous le règne brutal de Léopold sur ce qui était alors considéré comme l’État libre du Cong, sa propriété privée.

Mais Lumumba n’est pas resté sans réagir.

Dans un discours poignant, improvisé, le Premier ministre a raconté les violences et les humiliations subies par le peuple congolais pendant la période coloniale.

Ses paroles émouvantes, interrompues par des salves d’applaudissements et des acclamations, ont dénoncé « l’esclavage dégradant qui nous a été imposé au canon d’un fusil ».

Les Belges étaient choqués. Selon l’universitaire Ludo De Witte, qui a écrit un compte rendu définitif de l’assassinat de Lumumba, il s’agissait d’un événement sans précédent :

« Jamais un Africain noir n’avait osé s’adresser ainsi à des Européens ».

Lumumba, souvent considéré par les médias belges comme un voleur analphabète, avait publiquement couvert de honte le roi et les fonctionnaires belges.

Ce discours, prononcé le jour de l’indépendance du Congo, a marqué le début de sa chute. Il avait dit la vérité – sans fléchir – et cela a fait de lui une cible.

Son assassinat, l’année suivante, est également lié à la guerre froide et à la volonté de la Belgique de conserver son influence au Congo.

La CIA avait également planifié son assassinat, en raison de ses liens de plus en plus étroits avec l’Union soviétique et de ses positions anticoloniales. Un officier du renseignement britannique a même suggéré dans une note que l’assassinat était « la solution ».

 

 

« Je préfère mourir la tête haute »

Il était clair qu’il y avait une mission visant à effacer complètement l’héritage et la présence physique de Lumumba.

Le parcours de Lumumba, du poste de Premier ministre à sa mort, a duré moins de sept mois.

Peu après l’indépendance, le Congo a plongé dans une crise. La province du Katanga, riche en minerais et située dans le sud-est du pays, a déclaré sa sécession.

Dans le chaos qui a suivi, les troupes belges ont été déployées, prétendument pour protéger leurs ressortissants, mais en réalité, elles soutenaient le régime sécessionniste du Katanga – qui était plus aligné sur les intérêts occidentaux.

Lumumba est finalement démis de ses fonctions par le président et, un peu plus d’une semaine plus tard, le colonel Joseph Mobutu, chef de l’armée, confisque le pouvoir.

Lumumba placé en residence surveillé, s’échappe, puis est repris en décembre 1960 et emprisonné dans l’ouest du pays.

Sa présence reste déstabilisante et les autorités belges font pression pour qu’il soit transféré au Katanga.

C’est ainsi que Soete, commissaire de police belge, est intervenu. Réalisant que les corps risquent d’être découverts, l’ordre est donné : « Faites-les disparaître immédiatement !

Aucune preuve ne doit être laissée », selon un témoignage cité dans le livre de De Witte, L’assassinat de Lumumba.

Soete a reconnu son role, près de 40 ans plus tard, en 1999 – en révélant qu’il possédait toujours une des dents de Lumumba. Il a affirmé s’être débarrassé des autres parties du corps. Après sa mort, sa fille a fourni de plus amples informations.

Un tribunal a finalement décidé que la dent en or devait être restituée à la famille de Lumumba.

Le ministre belge des affaires étrangères de l’époque, Louis Michel, a présenté ses « excuses » et exprimé ses « profonds et sincères regrets » à la famille de Lumumba et au peuple congolais.

En 2022, plus de 60 ans après sa mort, la dent en or du héros de l’indépendance a finalement été enterrée.

C’est la seule partie de son corps qui a été retrouvée.

Dans sa dernière lettre à sa femme, Lumumba écrit :

« Les agressions brutales, les sévices cruels et la torture ne m’ont jamais amené à demander la grâce. Je préfère mourir la tête haute, avec une foi inébranlable et une grande espérance dans le destin de mon pays, plutôt que de vivre dans l’humiliation et de trahir des principes sacrés ».

Il a également écrit que l’histoire lui donnera raison un jour.

 

Source: abidjan.net

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