Enlèvement de camionneurs, attaques récurrentes sur le corridor Dakar-Bamako : Comment le GSIM tente d’étouffer la capitale malienne ?

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Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM en arabe) multiplie depuis juin les attaques et les coups d’éclats dans l’ouest du Mali, aux abords de la frontière sénégalaise. L’enlèvement récent, puis la libération dans la foulée de six camionneurs sénégalais sur le corridor Dakar-Bamako, participe d’une entreprise visant à imposer un blocus autour de Bamako, la capitale malienne, selon plusieurs analystes.

Une volonté d’asphyxier économiquement Bamako

Enseignant-Chercheur à l’IFAN, (Institut Fondamental d’Afrique Noire) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le Dr Mamadou Bodian, estime que les récents événements ( l’enlèvement de camionneurs sénégalais sur le corridor Dakar-Bamako)  »traduisent une sorte de glissement stratégique » du GSIM.

Alors que le groupe a multiplié les attaques contre des cantonnements militaires dans l’ouest du Mali entre avril et juillet, le groupe terroriste semble cibler maintenant les usagers du corridor Dakar-Bamako, principal axe de ravitaillement de la capitale malienne à partir du Sénégal à travers le port de Dakar où transitent de nombreuses marchandises et du carburant à destination du Mali.

 »L’accent n’est plus seulement mis sur la confrontation militaire, comme ce fut le cas jusqu’à une date récente, mais sur l’asphyxie économique et surtout une sorte de démonstration du contrôle territorial » relève le Dr Mamadou Bodian, joint par BBC News Afrique.

Le chercheur explique que cet enlèvement de six camionneurs sénégalais doit être perçu comme une  »opération opportuniste inscrite dans une logique d’affaiblissement du Mali, plutôt que le signe d’une expansion planifiée vers les pays côtiers, dont le Sénégal ».

L’incident selon lui, souligne la vulnérabilité du corridor transfrontalier, mais surtout la nécessité pour le Sénégal de considérer la sécurité des flux de marchandises comme un enjeu stratégique car les routes commerciales deviennent des cibles militaires, que ce soit pour Bamako, mais aussi pour le Sénégal qui dépend fortement de ce corridor.

Ces attaques récurrentes pourraient augmenter la  »vulnérabilité des transporteurs », créer la psychose chez les chauffeurs,  »fragiliser le flux des marchandises et provoquer des hausses de prix » au Mali.

Le GSIM, affilié à Al-Qaïda, a annoncé début septembre mettre en place un « blocus » autour de Kayes, (ouest) une région par où passe la majorité des marchandises et autres produits pétroliers du Mali depuis le Sénégal.

Les attaques contre des camions de marchandises et de véhicules de transport se sont multipliées ces derniers mois entrainant des perturbations dans les flux commerciaux entre les deux pays.

Une stratégie déjà utilisée ailleurs selon Timbuktu Institute

En Avril dernier, Timbuktu Institute, un think tank ouest africain avait dans un rapport rendu public analysé une  »stratégie à deux volets du GSIM dans la zone des trois frontières pour encercler Bamako et étendre sa zone d’opérations à certaines parties de la Mauritanie et du Sénégal ».

 »Le GSIM suit le même schéma que celui qu’il a utilisé dans les régions maliennes de Koulikoro et de Mopti ainsi que dans le nord du Burkina Faso : éviter les batailles à grande échelle pour le contrôle des zones urbaines et limiter plutôt les mouvements des forces de sécurité à l’extérieur de ces zones en multipliant les brèches et des espaces d’insécurité », note le rapport.

 »La multiplication des attaques menées sur les routes principales et dans les petites localités, démoralise et disperse les efforts des forces de sécurité, affaiblissent les gouvernements en tant que garant de la sécurité… et réduit la capacité des forces de sécurité, des fonctionnaires et des entités économiques à remplir efficacement leur mission », poursuit le document.

Cette stratégie permet au  »GSIM d’exercer un contrôle relatif sur le territoire, du moins sur des axes routiers et des espaces stratégiques indispensables au commerce et à la circulation des personnes et des biens ».

 »L’extension de cette activité de Koulikoro à la région de Kayes fait partie de la stratégie d’encerclement progressif de Bamako…de délégitimer l’État et… de l’amener à se désintégrer » lit-on dans le rapport.

L’Armée malienne nie tout blocus et rassure les populations sur sa stratégie

Réagissant au  »blocus » du GSIM et de ses messages qui mettent en garde les chauffeurs qui transportent des marchandises sur le corridor Dakar-Bamako, le Colonel Major Souleymane Dembélé, Directeur de la DIRPA (Direction de l’Information et des Relations Publiques des Armées du Mali) qualifie de  »propagande » les mises en garde du groupe terroriste.

 »Depuis septembre, le groupe terroriste JNIM par la voix de son représentant a diffusé de fausses informations sur une prétendue interdiction d’importation de carburant et de circulation des transporteurs dans l’ouest du Mali. Mais la réalité est toute autre. Aucune interruption systémique du transport n’a été observée », dit-il.

Selon lui, des vidéos virales et relayées sur les réseaux sociaux montrant des camions attaqués sur le corridor Dakar-Bamako sont en réalité hors contexte.  »La vidéo du bus incendié date du mois d’avril et n’a aucun lien avec le soi-disant blocus » tient-il à souligner ajoutant que  »le vrai problème à Kayes aujourd’hui, ce sont les conditions naturelles liées à la saison des pluies et non les actions de ce groupe terroriste ».

Des attaques au coeur du poumon économique du Mali

Depuis avril dernier, le GSIM multiplie les attaques contre des cibles économiques et industrielles dans l’ouest du Mali. Les jihadistes avaient attaqué en début juillet dernier des cantonnements de l’armée dans l’ouest du pays à Kayes, Niono, Nioro du Sahel, Molodo, Gogui, Sandaré et Diboli à quelques encablures de Kidira, une ville sénégalaise.

Des attaques simultanées, avec l’utilisation parfois de drones kamikazes par les terroristes, selon l’armée malienne.

Des attaques ont également eu lieu plus au nord, près de la frontière du Mali avec la Mauritanie.

La région de Kayes qui concentre les attaques du GSIM est une zone très importante du Mali. Elle représenterait environ 80 % de la production d’or du pays et sert de transit dans les flux commerciaux avec le Sénégal, premier fournisseur du Mali.

Kayes est en effet la principale région aurifère du Mali. La région abrite des mines d’or industrielles majeures comme Sadiola et Yatela. Elle comprend aussi le complexe des mines de Loulo et Gounkoto, géré par Barrick Gold, qui est l’un des plus grands complexes miniers du pays.

C’est dans cette même région que trois ressortissants indiens travaillant dans une cimenterie avaient été enlevés lors d’une attaque armée en début juillet dernier.

La recrudescence des attaques dans l’ouest du Mali est le signe d’une augmentation croissante de l’insécurité au Mali et dans la région du Sahel (Burkina Faso et Niger en particulier) selon les observateurs.

Le Mali est en proie depuis 2012 à une profonde crise sécuritaire nourrie notamment par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires.

La junte militaire au pouvoir à Bamako depuis 2020 a noué des partenariats avec les mercenaires russes de Wagner pour mener une contre insurrection contre les jihadistes.

Après trois ans de présence au Mali, les mercenaires de Wagner ont plié bagages. Ils ont été remplacés par les hommes d’Africa Corps, un autre groupe paramilitaire russe, lié au Kremlin.

 

Source:news.abidjan.net

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