Washington courtise l’Afrique de l’Ouest et centrale

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Cinq chefs d’État africains, dont le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, entament ce mercredi une visite de trois jours à Washington à l’invitation de Donald Trump, dans un contexte où les États-Unis cherchent à resserrer des partenariats économiques et sécuritaires avec l’Afrique, tout en composant avec des tensions liées aux politiques migratoires américaines et à la rivalité avec la Chine et la Russie.

Le président américain reçoit à la Maison Blanche ses homologues Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani (Mauritanie), Joseph Nyumah Boakai (Libéria), Brice Clotaire Oligui Nguema (Gabon) et Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau) pour un mini-sommet, présenté par le Département d’État comme une suite « ciblée » au 17ᵉ Sommet États-Unis/Afrique des affaires, organisé la semaine dernière à Luanda, où plus de 2,5 milliards de dollars d’accords ont été signés.

Cette rencontre multilatérale — la première du genre pour Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche — est consacrée aux investissements stratégiques, à la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, à l’accès aux minerais critiques et à la lutte contre le crime organisé. Elle comprend des entretiens bilatéraux et une session plénière avec les cinq dirigeants, tous issus de pays côtiers jugés stratégiques pour les intérêts américains dans l’Atlantique.

Un dialogue sous contrainte

Cette volonté d’approfondir la coopération économique survient alors que Washington envisage parallèlement d’imposer des restrictions migratoires à 25 pays africains, dont quatre représentés à ce mini-sommet. Selon des documents cités par Reuters et le Washington Post, le Sénégal, la Mauritanie, le Gabon et le Libéria — dont les dirigeants sont attendus à Washington — figurent sur une liste transmise aux chancelleries africaines mi-juin, justifiée par des « problèmes de fiabilité » des documents d’identité et des « fraudes administratives ». Ces menaces, présentées comme des impératifs de sécurité nationale, fragilisent le discours américain d’un partenariat « gagnant-gagnant ».

« La présence de ces cinq États tous riverains de l’Atlantique traduit l’importance accordée par les États-Unis au contrôle des côtes vitales pour le commerce maritime, riches en ressources dans une région marquée par la concurrence russo-chinoise », analyse Dr Alioune Aboutalib Lô, chercheur au Centre AKEM d’Istanbul. Il estime que l’installation de bases militaires russes, les livraisons d’armes via Conakry et les accords militaires avec le Togo ou Sao Tomé-et-Principe inquiètent profondément Washington et ses alliés de l’OTAN.

Le Sénégal sur une ligne d’indépendance

Dans ce contexte, le Sénégal se distingue par une diplomatie plus affirmée. L’annulation par le Premier ministre Ousmane Sonko d’une préparation sportive aux États-Unis après un refus de visas, ou la priorité donnée à une visite à Pékin, illustrent une posture de souveraineté qui, selon Dr Lô, « ne peut laisser Washington indifférent ».

Si les États-Unis comptent sur des leviers économiques, comme la suspension des financements de l’USAID, la réforme de l’aide et le renouvellement incertain de l’AGOA pour obtenir des concessions, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye affiche une volonté de « gouvernance transparente et de partenariats équilibrés » qui pourrait compliquer les attentes américaines.

Un partenariat économique à consolider

Malgré ces tensions, les relations économiques entre Dakar et Washington restent solides. Depuis 1983, un traité bilatéral d’investissement attire des capitaux américains dans les infrastructures énergétiques, et les échanges bilatéraux ont atteint 586 millions de dollars en 2024, avec une hausse de 48 % des importations sénégalaises. Le « New Deal technologique » annoncé par Bassirou Diomaye Faye lors d’une tournée à la Silicon Valley et de récents projets d’investissement illustrent cette dynamique.

Plus largement, en 2024, les échanges États-Unis–Afrique ont frôlé 72 milliards de dollars et, lors du sommet de juin dernier, des engagements d’investissement à hauteur de 2,5 milliards de dollars ont été annoncés. Le mini-sommet de Washington prépare aussi une rencontre plus large prévue en septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.

Pour une coordination africaine

Face à l’imprévisibilité de Trump et à une asymétrie persistante, Dr Lô recommande « une meilleure coordination africaine pour peser davantage dans les négociations ». Pour Bassirou Diomaye Faye, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Joseph Nyumah Boakai, Brice Clotaire Oligui Nguema et Umaro Sissoco Embaló, cette rencontre représente une occasion d’avancer leurs priorités économiques tout en maintenant leurs marges d’autonomie diplomatique.

MB/ac/Sf/APA

Source: afrique-sur7.ci

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