Côte d’Ivoire : comment comprendre le flou autour de la candidature du président Alassane Ouattara ?

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Sans surprise, le Président sortant Alassane Ouattara, a été désigné candidat à la prochaine présidentielle ivoirienne d’octobre 2025 par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix, (RHDP), le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire.

La désignation de Ouattara, 83 ans, comme candidat pour la quatrième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2010, a été faite par acclamation par les militants de son parti réuni en congrès exceptionnel le week-end dernier à Abidjan.

En réponse à la motion le désignant comme candidat du RHDP, Alassane Ouattara a servi une réponse qui entretient le flou sur ses intentions réelles.

En déclarant qu’il se prononcerait « dans les jours qui viennent », le président ivoirien maintient le suspense sur sa candidature controversée pour un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire.

« Je vous ai compris. Je vous remercie pour votre confiance. Je prendrai dans les jours qui viennent, après mûre réflexion, une décision en mon âme et conscience », a-t-il répondu aux militants qui ont longuement acclamé sa désignation comme candidat du RHDP.

Une réponse intrigante

Pour Arthur Banga, analyste politique ivoirien, ce choix de différer sa réponse est juste une stratégie visant à choisir un moment plus propice pour annoncer sa candidature au peuple ivoirien.

« Derrière cette réaction, il y a une stratégie de Ouattara de chercher une occasion plus solennelle de s’adresser aux Ivoiriens au-delà de son camp politique, le RHDP, pour annoncer sa candidature » dit M. Banga.

« Vous vous rappelez que c’était le cas en 2020. Il avait annoncé sa candidature devant le parlement réuni en congrès le 06 août 2020. Il est dans cette même dynamique, s’adresser aux Ivoiriens dans un moment solennel », fait-il remarquer.

Pour lui, « le scénario le plus probable à 90 voire 95 %, ce sera la candidature de Ouattara ».

Il reste cependant une petite possibilité s’il venait à renoncer à se représenter estime M. Banga.

« Il y a le Vice-Président Tiémoko Meyliet Koné, Patrick Achi, son ancien premier ministre qui a fait un retour en force durant ce congrès et Adama Bigtogo », le président de l’Assemblée nationale comme candidats potentiels en cas de désistement à la dernière minute du président Ouattara.

Alors que certains observateurs voient dans la décision de différer sa réponse, une façon de « masquer des tractations politiques qui peuvent intervenir au dernier moment ou des arbitrages délicats face à une opposition qui tente de nouer des alliances », Arthur Banga ne partage pas cet avis. « Il (Ouattara) s’attend déjà à avoir en face de lui, tout sauf Ouattara » dit-il avant de préciser que « c’est une perspective qu’il a déjà prise en compte. Et s’il s’estime être mieux placé pour la victoire de son camp, il va se représenter » fait-il savoir.

Tout récemment une alliance entre le Parti des Peuples Africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) de l’ancien président Laurent Gbagbo et le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, Rassemblement Démocratique africain (PDCI-RDA) de Tidjane Thiam a été nouée. Le rapprochement entre les deux formations politiques pourrait redéfinir le paysage électoral ivoirien.

Mais en faisant durer le suspense, le président Ouattara s’affirme plus que jamais comme le maître du jeu politique en Côte d’Ivoire.

 

 

L’opposition dénonce une politique de deux poids, deux mesures

Certains dans l’opposition dénoncent une politique de deux poids, deux mesures.

« Le président Alassane Ouattara s’accorde la liberté d’accepter ou de refuser la décision de ses militants de le voir être candidat pour un 4e mandat, mais dans le même temps, il empêche les autres leaders de l’opposition notamment le président Charles Blé Goudé d’être candidat » regrette Me Ouraga Serge Olivier, vice-président de la Convergence Panafricaine pour la Justice et l’Egalité des Peuples, de Charles Blé Goudé.

Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo sont exclus de la liste électorale à cause de leur condamnation par la justice de leur pays. Laurent Gbagbo dans le cadre de la casse de la BCEAO (Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest ) et Charles Blé Goudé condamné pour son rôle dans la crise post-électorale de 2010-2011 à 20 ans de prison.

Quant à Tidjane Thiam, il a été écarté de la liste électorale pour cause de nationalité française dont il s’était prévalue.

Du côté du PPA-CI, on estime que la pression exercée sur le président Ouattara à propos du 4e mandat est à l’origine de sa décision de différer sa réponse dans les prochaines semaines. Damana Pickass, un des responsables du parti cité par la presse ivoirienne, voit dans cette décision de différer sa réponse « une victoire politique ». « Face à la mobilisation contre le quatrième mandat, le Président Ouattara vient de reculer » estime-t-il.

Du côté du RHDP, la compréhension de la décision du président Ouattara est différente. Selon ses partisans, sa « posture témoigne du sens de responsabilité d’un homme d’État qui pèse la portée de chaque engagement. »

Pour l’ancien Premier ministre, Patrick Achi, président du 2e congrès ordinaire, il s’agit d’un « serment d’avenir, une déclaration collective ». La désignation par acclamation de Ouattara est « un plébiscite et l’expression d’une volonté commune de faire gagner le parti et de préserver l’unité du pays». « Le Rhdp est debout, solide, rassemblé, prêt à ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire », a-t-il assuré.

Une interprétation de la constitution qui divise

La polémique relative à la candidature d’Alassane Ouattara à la présidentielle ivoirienne pour la quatrième fois a démarré en 2020 lorsqu’il briguait un troisième mandat.

Fortement contesté dans la rue à l’époque par l’opposition, le 3eme mandat avait été validé par le Conseil constitutionnel qui estimait que le changement constitutionnel intervenu en 2016 avait rebattu les cartes en matière de mandats à cause de la non-rétroactivité de la loi.

Pour les partisans du RHDP, ce 4e mandat est dans l’ordre normal des choses, alors que pour l’opposition, cette candidature potentielle est perçue comme une « dérive ».

 

Source:news.abidjan.net

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