« Les opportunités sont énormes pour la BERD en Afrique » (Heike Harmgart)

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Trois pays d’Afrique de l’Ouest – la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Bénin – sont récemment devenus actionnaires de la Banque européenne de la reconstruction et du développement (BERD). Leur adhésion, officialisée mi-mai lors des réunions annuelles de la Banque, ouvre ainsi ces marchés à l’institution qui y prépare l’ouverture de ses bureaux, avec des équipes en cours de construction. Active en Afrique du Nord depuis une dizaine d’années, la Banque créée à Paris (France) en 1990 et qui a son siège à Londres (Royaume-Uni) fait donc ainsi son entrée au Sud du Sahara.

Présidée depuis 2020 par Odile Renaud-Basso, la BERD avait pour mandat initial de financer la transition vers une économie de marché en Europe centrale et orientale, mais aussi dans les pays de l’ex-URSS et en Mongolie. Le Maroc, l’Egypte et la Tunisie ont été les premiers pays africains où la Banque s’est implantée après l’approbation par les Etats-actionnaires en 2012 de l’expansion en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Mais l’empreinte désormais tracée au Sud du Sahara devrait rapidement s’étendre puisque la BERD – actuellement en mission en Afrique de l’Ouest – a démarré les discussions avec le Sénégal, le Ghana et le Kenya qui veulent -eux aussi- devenir actionnaires.

LA TRIBUNE AFRIQUE – Comment le rapprochement avec la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Nigeria s’est-mis en place ? Est-ce uniquement le résultat de la volonté d’adhésion de ces pays au tour de table de la BERD ?

Ces adhésions sont le résultat d’un long processus politique, mais il a été motivé par les deux parties. Les actionnaires existants voulaient s’étendre sur de nouveaux marchés, puisque nous avons du capital. Au cours des dix dernières années, nous avons beaucoup investi en Egypte – où j’étais basée – mais aussi au Maroc et en Tunisie et naturellement, nous voyons beaucoup d’intérêt pour une intégration plus poussée en Afrique. Les pays qui nous ont approchés ont donc rencontré cette réflexion autour de notre éventuelle expansion.

Notre récent séjour à Abidjan nous a permis de voir les opportunités qui s’offrent à nous. Nous sommes ravis de déployer prochainement nos premières opérations en Afrique subsaharienne au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Nigeria. Le Kenya, le Sénégal et le Ghana -qui ont également demandé à devenir actionnaires- suivront bientôt, nous l’espérons.

Quand les bureaux seront-ils ouverts ?

L’ouverture des bureaux est prévue d’ici juillet. J’ai déjà nommé un chef pays qui est Asari Efiong. Elle travaille actuellement sur la logistique et les recrutements en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Nigeria. Nous avons recruté le tout premier analyste, un Ivoirien, pour notre bureau local.  Après le 22 juillet, nous pourrons soumettre des projets à notre conseil d’administration.

La banque contribue essentiellement au développement du secteur privé et à l’initiative entrepreneuriale. Quelle analyse faites-vous de cet écosystème dans les pays africains ?

De tous les continents où j’ai travaillé, l’Afrique est probablement l’un des plus entreprenants. Lors des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), nous avons rencontré de nombreuses entreprises privées, dont nous avons vu l’ingéniosité. A la BERD, nous réalisons 80% de nos activités dans le secteur privé et seulement 20 % d’investissements avec les gouvernements. Nous voyons vraiment la possibilité de contribuer à créer un environnement propice à l’émergence de grandes infrastructures. Le secteur privé pourrait ainsi prospérer. Nous constatons également que les entreprises sont très intéressées par des investissements sur un certain nombre de marchés. Ainsi, même des pays plus petits comme le Bénin sont considérés comme des portes d’entrée vers des marchés plus importants. Les opportunités sont donc énormes pour la BERD en Afrique.

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Quels sont les secteurs dans lesquels vous aimeriez soutenir les entreprises en priorité ?

Je pense tout de suite au secteur financier qui est une grande priorité, partant des grandes banques aux institutions de microfinance. Nous pouvons aider cet écosystème à davantage prêter aux entreprises afin de dynamiser l’économie réelle. Nous avons également un regard particulier sur les fintechs qui sont très novatrices et affichent de fortes ambitions, mais aussi la technologie, l’agro- industrie et l’agritech. Nous voyons en outre beaucoup d’opportunités dans le domaine de l’exploitation minière dans de nombreux pays, en particulier la Côte d’Ivoire qui a fait de nombreuses découvertes de minerais essentiels… En résumé, nous sommes très axés sur la demande. Par conséquent, si les entreprises s’adressent à nous, nous voudrions vraiment trouver quelque chose qui fonctionne pour elles.

Avec les défis multidimensionnels (crises, guerres, incertitudes…) que connaît le monde, quel sens vous -qui représentez une institution européenne investie en Afrique- donnez-vous à la coopération internationale aujourd’hui ?

Le fait que des pays africains deviennent actionnaires érige la BERD en véritable game changer dans le contexte international actuel. Le Nigeria, la Côte d’Ivoire et Bénin -pour ne citer que leur exemple- font désormais partie de notre conseil d’administration et prennent des décisions avec nous. C’est pourquoi le fait de s’associer à des pays africains est une étape importante pour montrer que ce n’est qu’ensemble que nous pouvons relever ces défis de taille, de l’incertitude mondiale aux changements climatiques. C’est un élément clé. Dans la démarche de coopération, il faut également faire appel aux talents africains, y compris les jeunes, tant au niveau de la gouvernance qu’au niveau opérationnel, parce qu’ils connaissent mieux le continent. Cela façonnera également la façon dont nous, en tant qu’organisation internationale, travaillons et nous voyons nous-mêmes. Certes les grands défis ne disparaîtront pas, mais les solutions ne viendront que si nous travaillons ensemble. Et cela amplifiera d’ailleurs notre impact.

 

Source: Afriqe.latribune.fr

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