Horiuchi Toshihiko, ministre adjoint et directeur général des affaires africaines au ministère japonais des Affaires étrangères, explique l’engagement du Japon envers le continent.
Quels sont les principaux objectifs du Japon pour la TICAD 9 ?
La TICAD n’est pas seulement une plateforme bilatérale entre l’Afrique et le Japon. Il s’agit plutôt d’un forum et d’une plateforme multilatéraux. Par exemple, la TICAD comprend des partenaires multilatéraux tels que la Commission de l’Union africaine, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Bureau du Conseiller spécial des Nations unies pour l’Afrique et la Banque mondiale.
Si le Japon est l’un des moteurs de l’organisation de la TICAD, l’essence même de cette initiative réside dans les partenariats multilatéraux, la promotion des échanges de vues, la mise en avant et la catalyse de nouvelles idées et opportunités de collaboration. Le Japon s’efforce de se démarquer en renforçant le caractère unique de la TICAD : son inclusivité, sa nature multilatérale et son ouverture.
- Le message du Japon est clair : « Faisons-le ensemble » ; trouvons une solution, réalisons l’innovation, avec le « Made with Japan » !
Pour en revenir à votre question, nous soutenons l’intégration et la coopération régionales sur le continent tout en adoptant une approche sur mesure dans chaque pays et région. La TICAD s’efforce de traiter les questions interdépendantes de la paix et de la sécurité, du développement économique et du développement social. Notre vision globale est de promouvoir une prospérité centrée sur l’humain grâce à un système économique durable et inclusif.
Par exemple, le Japon met en œuvre divers projets dans le monde entier par l’intermédiaire de la JICA (Agence japonaise de coopération internationale). Pour la TICAD 9, notre approche consiste à co-créer des initiatives avec nos partenaires africains, tout en collaborant avec les acteurs mondiaux intéressés afin de mobiliser des ressources, y compris des ressources nationales, pour mettre en œuvre et développer des idées et des projets innovants. Nous souhaitons partager les meilleures pratiques et trouver ensemble des solutions efficaces.
En matière de développement social, le Japon, malgré ses ressources naturelles limitées, a toujours accordé la priorité au développement du capital humain.
Dans cette optique, l’investissement dans les personnes, notamment notre soutien à l’amélioration de l’accès à l’éducation et aux services de santé, à savoir la réalisation de la couverture sanitaire universelle, reste l’une de nos principales priorités. Nous encourageons également l’innovation en tirant parti des technologies et des idées. Nos projets s’inscrivent dans le cadre de ces priorités.
Parallèlement, nous mettons l’accent sur la sécurité humaine, un concept et un principe directeur du développement qui vise à permettre à chaque individu de mener une vie à l’abri de la peur et du besoin.
Nous restons toutefois humbles et reconnaissons que nos réalisations passées ne doivent pas nous rendre complaisants. Il est essentiel d’écouter les pays africains et leurs populations afin de bien comprendre l’évolution de leurs besoins et de leurs défis, notamment en matière d’utilisation plus efficace des innovations telles que les technologies numériques et l’IA.
Compte tenu des réalisations passées, comment voyez-vous l’avenir des relations entre le Japon et l’Afrique ?
La transformation démographique de l’Afrique est remarquable. Je souligne souvent deux observations clés : l’Afrique est un continent unique, mais diversifié. Si le continent s’intègre, notamment sous l’égide de l’Union africaine, il reste profondément diversifié ; et deuxièmement, en 2050, un tiers de la population mondiale âgée de 15 à 24 ans sera africaine.

Cela fait de l’Afrique un partenaire immédiat et stratégique pour la communauté internationale, y compris le Japon. Aucune solution mondiale ne sera envisageable sans une participation significative des Africains, en particulier des jeunes. Nous avons besoin d’une gouvernance mondiale plus inclusive, partageant davantage les responsabilités avec l’Afrique afin de trouver des terrains d’entente et de co-créer des solutions aux défis mondiaux.
Nous nous efforçons de bien comprendre l’Afrique et de nous aligner sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les ODD des Nations unies. Notre credo est que nos idées doivent, dans la mesure du possible, être étayées par des programmes de développement du capital humain et une collaboration avec le secteur privé qui favorise des solutions locales et autonomes.
Dans le passé, le Japon a contribué à la prospérité de l’Afrique à travers divers programmes de développement, qui étaient au cœur de la TICAD à l’origine. Les temps ont changé, tout comme les thèmes abordés lors de la TICAD. Les pays africains ont alors ajouté de nouvelles aspirations telles que les affaires, l’investissement, le commerce, l’industrialisation et l’emploi.
Nous avons donc reflété cette évolution dans l’agenda de la TICAD. Mais au-delà de cela, ce que j’ai à l’esprit pour la TICAD 9, c’est de mettre en avant ce nouvel esprit et ce nouveau mode de fonctionnement : la co-création de solutions innovantes, afin que nous puissions relever ensemble les priorités africaines et les défis mondiaux en gardant à l’esprit des résultats axés sur les solutions.
Nous avons également donné la priorité à l’autonomisation et à la libération du potentiel des jeunes et des femmes. L’une des initiatives clés est l’initiative ABE (African Business Education Initiative for Youth), qui offre aux jeunes Africains la possibilité d’étudier le savoir-faire commercial et industriel et d’effectuer des stages dans des entreprises japonaises.
Ces jeunes jouent un rôle essentiel de passerelle entre l’Afrique et le Japon, favorisant ainsi les liens économiques et culturels à long terme. Cette initiative, qui existe depuis dix ans, incarne notre engagement en faveur de la mobilité des jeunes et du développement du capital humain. Cela dit, les relations entre le Japon et l’Afrique se multiplient et se diversifient. Nous cherchons à diversifier et à élargir nos programmes d’échange entre le Japon et les pays africains, notamment en explorant de nouvelles possibilités de développement mutuel des échanges culturels et le potentiel d’une coopération accrue dans le secteur des industries créatives.
Quelles stratégies seront mises en œuvre pour encourager davantage d’entreprises japonaises à investir en Afrique ?
Le Japon adopte une approche à plusieurs volets. Tout d’abord, en améliorant l’accès à l’information sur les opportunités en Afrique. L’une des principales difficultés pour les entreprises japonaises est d’obtenir des informations précises sur les marchés et les écosystèmes industriels africains.
Le Japon s’efforce de combler ce fossé par l’intermédiaire de ses ambassades, du JETRO (Japan External Trade Organization), de la JICA et de réseaux d’entreprises. À cet égard, la coopération des pays africains pour garantir des marchés ouverts, prévisibles, régis par des règles et équitables, et pour divulguer des informations précises sur l’environnement des affaires, y compris la fiscalité et la réglementation, est essentielle.
Deuxièmement, en fournissant des outils financiers et d’atténuation des risques afin d’inciter les entreprises à investir stratégiquement en Afrique en localisant les technologies et le savoir-faire japonais. Le Japon renforce les mécanismes d’accompagnement tels que le soutien aux études de faisabilité et l’assurance commerciale par le biais d’institutions telles que NEXI (Nippon Export and Investment Insurance) afin de réduire les incertitudes commerciales. Troisièmement, en collaboration avec les pays et les institutions africains, nous continuons à promouvoir un écosystème inclusif et durable, avec un secteur privé florissant et une gouvernance attentive aux besoins de la population.
En outre, nous facilitons les partenariats public-privé et encourageons le financement et les investissements durables dans des secteurs clés, notamment les infrastructures de qualité dans les domaines des énergies renouvelables et de l’eau, pour lesquels le secteur privé japonais manifeste un vif intérêt.
Nous accordons également une attention particulière à la promotion des PME et des start-up afin qu’elles explorent les marchés africains. À cet égard, je suis encouragé par les nombreuses idées innovantes des jeunes entrepreneurs japonais visant à développer de nouvelles solutions commerciales africaines pour relever les défis économiques et sociaux.
Comment le Japon prévoit-il de renforcer ses relations commerciales et d’investissement avec l’Afrique, pour quels résultats attendus ?
Le Japon a besoin de l’Afrique, tout comme l’Afrique a besoin du Japon. L’Afrique devient de plus en plus importante en tant que marché, fournisseur et destination d’investissement pour le Japon. Compte tenu de la croissance démographique et du potentiel économique de l’Afrique, le Japon vise à étendre ses accords bilatéraux d’investissement avec les pays africains. Le Japon a déjà conclu des accords avec l’Égypte, le Mozambique, le Kenya, le Maroc, la Côte d’Ivoire et l’Angola.
Nous avons signé un accord avec la Zambie et souhaitons étendre ces accords, en soutenant la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africain, dont nous reconnaissons le potentiel pour changer la donne en matière d’intégration commerciale régionale, et en encourageant les entreprises japonaises à établir des chaînes de valeur plus solides en Afrique, afin de garantir une collaboration économique durable.
Grâce à l’intégration régionale en cours, l’Afrique peut être mieux connectée, industrialisée et créer davantage de valeur ajoutée à l’intérieur et à l’extérieur du continent, et peut s’attendre à un commerce plus important de produits africains vers d’autres régions, notamment l’Indo-Pacifique.
Nous devons favoriser la connectivité maritime et les chaînes de valeur interrégionales, ainsi que la mobilité des ressources humaines et des technologies. L’Afrique deviendra un centre de gravité de l’économie mondiale et des tendances mondiales. L’Afrique sera un nouveau fournisseur de solutions. Nous devons apprendre davantage de l’Afrique.
Compte tenu des défis mondiaux actuels et des tensions géopolitiques, comment le Japon continuera-t-il à soutenir les pays africains dans des domaines clés ?
Le Japon croit fermement à la co-création de solutions innovantes avec l’Afrique et la communauté internationale. L’Afrique est la région la plus défavorisée et la plus touchée par les nombreux défis mondiaux, du changement climatique aux questions de sécurité. Cette situation peut être une opportunité pour l’Afrique de développer des solutions innovantes, tournées vers l’avenir et issues de ses propres ressources.
L’approche du Japon peut inclure le soutien à ces solutions africaines par le biais de partenariats avec les opérations de paix et de sécurité de l’UA et les opérations de maintien de la paix des Nations unies, l’investissement dans les énergies vertes telles que l’hydrogène et les énergies renouvelables, la résilience environnementale durable telle que la gestion circulaire des déchets et les projets de prévention des catastrophes, ainsi que le renforcement de la formation professionnelle, des collaborations universitaires dans le domaine des échanges humains et de la recherche scientifique conjointe, et des initiatives de développement des compétences.
- L’investissement dans les personnes, notamment notre soutien à l’amélioration de l’accès à l’éducation et aux services de santé, à savoir la réalisation de la couverture sanitaire universelle, reste l’une de nos principales priorités.
Quelles sont les attentes à long terme de la TICAD 9 ?
Le Japon souhaite aller au-delà des modèles d’aide traditionnels en mettant l’accent sur des partenariats axés sur les solutions et les entreprises, en renforçant le partage des connaissances afin de tirer parti de l’expertise locale africaine et en développant conjointement des solutions aux défis mondiaux, garantissant ainsi le rôle de plus en plus crucial de l’Afrique dans la construction de l’avenir. Le Japon s’engage à renforcer encore sa coopération avec les pays africains afin de consolider la gouvernance mondiale et de résoudre les problèmes mondiaux.
Comment comptez-vous communiquer efficacement la vision de la TICAD 9 aux parties prenantes africaines afin de garantir une large participation et un impact significatif ?
Le message du Japon est clair : « Faisons-le ensemble » ; trouvons une solution, réalisons l’innovation, avec le « Made with Japan » !
Dans le passé, le Japon était connu pour ses produits « Made in Japan », mais aujourd’hui, il s’agit de collaborer pour co-créer une valeur partagée. L’expertise japonaise en matière de technologie, le développement rigoureux du capital humain, comme le concept de « Kaizen » (amélioration continue en japonais), et l’innovation sont à la disposition de l’Afrique.
Grâce à une communication stratégique, à des partenariats et à une sensibilisation des médias, nous voulons faire en sorte que la TICAD 9 marque une nouvelle étape dans les relations entre le Japon et l’Afrique et renforce le multilatéralisme fondé sur la coopération dans un environnement mondial en mutation, en s’inspirant des résultats du tout premier sommet africain du G20 en Afrique du Sud.
@AB
Source: New African/Le Magazine de l’Afrique