Au Sénégal, les causes de l’insécurité traduisent des dynamiques structurelles et différenciées selon les régions, soulignant la nécessité d’adopter des approches globales et coordonnées.
Le Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS), en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer (FKA), a ouvert mardi 20 mai à Dakar un séminaire national de restitution de deux jours, consacré au rôle des collectivités territoriales dans la gouvernance de la sécurité au Sénégal. Réunissant une cinquantaine de participants issus des quatorze régions du pays, cette rencontre marque l’aboutissement de la phase pilote du Programme Collectivités territoriales, Défense, Sécurité et Paix (PCTDSP) lancé en 2021.
Elle a pour objectif de capitaliser les enseignements tirés des consultations régionales menées ces trois dernières années dans les cinq grandes zones du territoire (Ouest, Nord, Est, Sud et Centre), partager les bonnes pratiques et définir les prochaines étapes du programme. « Ce séminaire marquera, sans conteste, un tournant décisif dans la considération de la place des collectivités territoriales dans la production de la sécurité », a déclaré le général Jean Diémé, directeur général du CHEDS, en ouverture de la rencontre.
Rappelant que les causes de l’insécurité au Sénégal traduisent des dynamiques profondes et différenciées selon les régions, il a souligné la nécessité d’adopter des approches globales, inclusives et coordonnées. « En matière sécuritaire, aucun effort n’est de trop », a-t-il insisté.
Selon lui, les consultations menées dans les différentes zones ont permis d’établir un dialogue entre les forces de défense et de sécurité (FDS), les autorités locales et les populations, favorisant ainsi une meilleure appropriation des enjeux de sécurité à l’échelle locale.
Diversité de menaces
Intervenant en qualité de rapporteur du programme, le docteur Ousmane Niang, sociologue à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a insisté sur la diversité des menaces identifiées au cours des séminaires. « Nos pays africains sont confrontés à de profondes inégalités socioéconomiques, au chômage, à la porosité des frontières, au manque de collaboration des populations et à de nouvelles formes de menaces comme la prolifération des motos Jakarta », a expliqué l’enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure d’économie appliquée (ESEA).
Il a aussi pointé l’ambiguïté des compétences entre les FDS et les collectivités territoriales, appelant à un renforcement des capacités locales.
« Les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs de la paix sociale, mais elles manquent de moyens humains, matériels et financiers pour assumer pleinement ce rôle », a-t-il relevé.
Concernant la situation dans la zone Est, frontalière du Mali et de la Mauritanie, le général Diémé a reconnu l’existence de préoccupations sécuritaires spécifiques. « La peur liée à la présence du terrorisme au Mali était prégnante dans les interventions locales. Nous avons aussi été alertés sur les conséquences de l’orpaillage clandestin, notamment l’usage de produits chimiques qui affectent l’agriculture, la pêche et la vie au quotidien des populations », a-t-il expliqué.
Cette préoccupation fait écho aux conclusions d’un controversé rapport publié fin avril 2025 du Timbuktu Institute, qui évoque des tentatives d’infiltration au Sénégal par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), actif dans le Sahel. Toutefois, la question de l’extrémisme violent est un sujet pris en charge « au plus haut niveau » de l’Etat, a rassuré le général Diémé.
Monopole sécuritaire ?
Pour Caroline Hauptmann, représentante résidente de la FKA au Sénégal et en Gambie, le programme incarne une vision nouvelle de la gouvernance sécuritaire. « Ce n’est plus seulement l’Etat qui détient le monopole de la sécurité. Les collectivités territoriales sont désormais des piliers de cette architecture », a-t-elle fait remarquer.
Mme Hauptmann a salué la collaboration « fondée sur la confiance mutuelle » entre son organisation et le CHEDS, initiée depuis 2018, tout en rappelant que la FKA œuvre à la création d’espaces de dialogue fondés sur les valeurs de paix, de solidarité et de décentralisation.
Le séminaire a mis en lumière plusieurs recommandations majeures issues des ateliers régionaux, allant du renforcement des capacités humaines, matérielles et financières des collectivités territoriales à l’intégration des enjeux sécuritaires dans les plans locaux de développement, en passant par l’implication active des populations dans les dispositifs de prévention et d’alerte.
Dr Niang a souligné dans ce cadre que « la sécurité est une construction sociale reposant sur des dynamiques multiples » et que sa consolidation passe par la responsabilisation de tous les acteurs locaux.
Les discussions, qui seront clôturées mercredi 21 mai, permettront d’enrichir le rapport final du PCTDSP et de tracer les perspectives d’une nouvelle phase du programme, dans l’optique d’ensemble de « co-production de la sécurité » des territoires, selon le mot d’ordre du CHEDS et de ses partenaires.
ODL/ac/Sf/APA
Source: APANEWS