Les pourparlers de Doha sont au point mort, ça progresse à Washington.
La République démocratique du Congo négocie sur deux fronts et les discussions sont loin d’avancer de façon symétrique.
À Washington, le régime de Félix Tshisekedi a été amené à la table des négociations en compagnie du Rwanda. Mais les Américains, qui ont vu les difficultés rencontrées par les négociateurs de l’Union africaine (UA) qui ont tenté de ramener la paix dans la région des Grands lacs, ont décidé de ne pas se laisser dicter le tempo des négociations par Kigali ou Kinshasa.
Il faut dire que l’administration Trump a d’autres arguments à faire valoir que le président angolais Lourenço ou que l’actuel médiateur désigné par l’UA le Togolais Faure Gnassingbé. Elle a aussi une autre conception de la diplomatie. Moins policée. Plus brutale. Les deux pays africains se sont engagés à respecter leurs souverainetés respectives et à s’abstenir de soutenir des mouvements rebelles (notamment le FDLR pour Kinshasa et le M23 pour Kigali). Dans ce même scénario, le secrétaire d’État américain Marco Rubio, qui a pris le risque de s’afficher aux côtés de la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe, le 25 avril dernier, a fixé un échéancier serré aux deux parties, priées de rendre une première mouture d’un éventuel accord de paix pour le 2 mai.
Ce lundi, 5 mai, le conseiller principal du président américain pour l’Afrique, Massad Boulos, a annoncé que les deux pays avaient bien fait leur devoir et avaient transmis un projet de proposition de paix. “Une étape importante vers le respect des engagements pris dans la déclaration de principes” du 25 avril dernier a renchéri Massad Boulos sur X. Mais pas un mot sur le contenu de ces deux textes qui doivent désormais être travaillés par les deux parties sous l’œil attentif de Washington pour aboutir à un texte commun.
Accord de paix à la mi-juin
Si le gouvernement congolais n’a pas commenté cet épisode des négociations, le ministre rwandais des Affaires étrangères a affirmé sur la télévision publique nationale qu’il allait rencontrer ses homologues congolais et américain au cours de la troisième semaine de mai “pour finaliser ce projet d’accord”. Avant de préciser que “des experts auront planché dessus au préalable”.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères est même allé un peu plus loin en expliquant qu’il espérait “pour la mi-juin” la signature de cet accord de paix à la Maison-Blanche, en présence de Donald Trump, de Félix Tshisekedi et de Paul Kagame, mais aussi d’autres médiateurs dans ce conflit, l’émir du Qatar, le président kényan, William Ruto, ou encore le Togolais Faure Gnassingbé.
“La République démocratique du Congo, si prompte a réagir, qui se tait et le Rwanda, de coutume peu prolixe, qui se met à commenter, pourrait donner une idée des éventuels perdants et des possibles gagnants dans cette négociation”, explique un ex-diplomate africain, qui souligne “l’absence de toute fuite dans ces négociations, ce qui est déjà un tour de force. Cela démontre que Washington sait faire pression sur les deux acteurs”.
Le désert à Doha
Dans la seconde négociation qui se déroule au Qatar entre le mouvement rebelle de l’AFC/M23 et les responsables de la République démocratique du Congo, le ton est nettement moins positif. “Les négociations n’avancent pas”, explique un insider. La délégation congolaise n’a accepté aucune des conditions préalables mises par les négociateurs de l’AFC/M23. Des conditions qui sont sur la table depuis près d’un mois et qui évoquent notamment la levée des condamnations à mort des responsables de la rébellion, leur mise à prix ou la libération de 450 détenus politique.
Dans ce contexte, le cessez-le-feu dans l’est de la RDC semble totalement illusoire. Les affrontements se poursuivent dans divers endroits du Sud-Kivu et les rebelles de l’AFC/M23 paraissent déterminés à contourner la ville d’Uvira pour tenter de poursuivre leur route vers le sud en direction de Kalemie, la capitale de la province du Tanganyika, née de la division du Grand Katanga.
L’échec actuel des négociations à Doha fait craindre une nouvelle explosion de violence dans l’est de la RDC, notamment aux environs de la frontière burundaise où depuis plusieurs semaines des mouvements de troupes et d’armes arrivés par avions sur l’aéroport de Bujumbura, capitale économique d’un Burundi économiquement exsangue et qui reste le dernier soutien régional du pouvoir de Kinshasa, sont signalés.
Source: La libre Afrique/afrique.lalibre.be