Qu’est-ce qui se cache derrière la vague de meurtres dans le centre du Nigeria ?

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Le président du Nigeria, Bola Tinubu, a ordonné aux agences de sécurité de mettre fin à une vague de tueries dans l’État de Benue, au centre du pays.

On estime que plus de 200 personnes ont trouvé la mort dans une série d’attaques perpétrées dans diverses communautés au cours de ces derniers jours seulement.

M. Tinubu a qualifié les meurtres d’« inhumains et contraires au progrès ». Il s’exprimait après que des centaines de personnes ont envahi les rues de Makurdi, la capitale de l’État, pour protester contre les meurtres.

Les autorités affirment que des milliers de personnes ont été contraintes de fuir leur domicile.

Quelle est la gravité des violences à Benue ?

Le problème n’est pas nouveau, mais il s’est aggravé récemment.

L’analyste Kabir Adamu, directeur de Beacon Security and Intelligence Limited, a déclaré à la BBC que, selon leur base de données, 1 043 personnes ont été tuées à Benue entre mai 2023 et mai 2025.

L’État est au centre d’un violent conflit entre éleveurs et agriculteurs qui a conduit au meurtre de milliers de civils et de nombreux membres des forces de sécurité dans la « ceinture moyenne » du Nigéria depuis de nombreuses années.

Les éleveurs, qui appartiennent pour la plupart à l’ethnie Fulani, se déplacent pour trouver de la nourriture pour leur bétail, ce qui les met en conflit avec les propriétaires de fermes, qui affirment que le bétail piétine leurs cultures et pollue les sources d’eau.

Certains d’entre eux sont armés de fusils puissants, affirmant qu’ils doivent se protéger des voleurs de bétail.

Alors que les fermiers accusent souvent les Fulanis d’être à l’origine des violences, l’un des chefs de la communauté, Baba Othman Ngelzarma, a déclaré à la BBC que son peuple n’était pas à l’origine des meurtres perpétrés à Benue.

« Notre peuple n’est pas à l’origine des tueries de Benue. Nous savons qu’il y a des problèmes non résolus à Benue depuis un certain temps ».

« Mais nous n’avons jamais permis à aucun de nos concitoyens d’attaquer ou de tuer d’autres personnes », ajoute-t-il.

Les autorités n’ont accusé aucun groupe, mais on peut supposer qu’il y a beaucoup de victimes des deux côtés, car toute attaque entraîne généralement une vengeance et un cycle de violence.

« La dégradation de l’environnement, notamment la désertification induite par le changement climatique et l’irrégularité des précipitations dans les régions septentrionales du Nigeria, joue un rôle essentiel », explique M. Adamu.

« Ces pressions obligent les éleveurs à migrer vers le sud, y compris dans l’État de Benue, où les ressources sont déjà limitées ».

« La croissance rapide de la population dans ces régions intensifie encore la concurrence pour des terres et des eaux limitées, créant un cycle auto-renforçant de stress environnemental, de migration et d’escalade des conflits », note-t-il.

La religion est un facteur supplémentaire, les Fulanis étant majoritairement musulmans, tandis que les communautés agricoles de la province de Benue sont chrétiennes.

Nombreux sont ceux qui reprochent aux autorités de ne pas assurer davantage de sécurité ou de ne pas élaborer de politiques répondant aux besoins économiques des deux communautés.

Que fait le gouvernement face à ce conflit ?

Les gouvernements de l’État et du pays ont essayé diverses politiques au fil des ans, mais aucune ne s’est avérée efficace jusqu’à présent.

M. Adamu explique qu’une force opérationnelle conjointe fédérale a été lancée en 2018, puis une autre le mois dernier, les gardes forestiers.

« Ce système national vise à recruter des agents armés pour sécuriser les réserves forestières contre les terroristes et les criminels ».

L’analyste des affaires publiques Sam Philip, qui vit à Makurdi, affirme que le conflit n’a pas reçu l’attention qu’il mérite depuis des années, le gouvernement se concentrant sur d’autres crises sécuritaires comme l’insurrection de Boko Haram dans le nord-est, la demande de sécession dans certaines parties du sud-est et une vague d’enlèvements avec demande de rançon dans le nord-ouest.

« J’ai l’impression que cette question a été ignorée pendant longtemps en termes d’attention réelle de la part du gouvernement et c’est pourquoi les choses continuent de s’aggraver », a-t-il noté.

Comment résoudre ce problème ?

Selon M. Adamu, toute solution doit comporter à la fois des éléments sécuritaires et économiques.

Le gouvernement doit « déployer davantage de forces spéciales tactiques et basées sur le renseignement dans l’État de Benue, en veillant à ce que leur présence soit durable et adaptable à l’évolution des menaces », déclare-t-il.

Il faut également augmenter le nombre de pâturages pour les éleveurs afin qu’ils n’entrent pas en conflit avec les agriculteurs.

« L’objectif doit être de garantir l’équité et d’offrir des alternatives viables et durables aux éleveurs », a déclaré M. Adamu.

L’ancien président Muhammadu Buhari avait proposé un tel plan, mais il a été rejeté par les États du sud, qui y ont vu un moyen de donner aux Fulanis une partie de leurs terres.

Source:news.abidjan.net

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