Quarante-six ans après la cérémonie d’allégeance des tribus d’Oued Eddahab au roi Hassan II, le Maroc commémore un tournant stratégique qui a déjoué les ambitions du Front Polisario, soutenu par l’Algérie, et scellé l’intégration de la pointe sud du Sahara dans l’architecture nationale.

Le 14 août 1979, le Palais royal de Rabat accueillait les notables, oulémas et chefs tribaux d’Oued Eddahab venus prêter allégeance au souverain marocain. Cette cérémonie de bay’ah, au-delà de sa portée symbolique, mettait un terme à un épisode critique du conflit au Sahara. Quelques jours auparavant, la Mauritanie, alors en retrait militaire et politique, signait avec le Front Polisario l’« Accord d’Alger » qui prévoyait le transfert de l’administration d’Oued Eddahab aux séparatistes. Pour Rabat, ce scénario aurait offert au Polisario un accès en eaux profondes à l’Atlantique et un tremplin diplomatique majeur.

En anticipant cette évolution, le Maroc engagea rapidement ses Forces armées royales dans la région, sécurisant le territoire avant l’entrée en vigueur de l’accord mauritano-Polisario. L’acte d’allégeance du 14 août scellait juridiquement et politiquement cette intégration, en s’appuyant sur une continuité historique que Rabat inscrit dans le prolongement de la Marche verte de novembre 1975 et des accords de Madrid.

Quatre décennies plus tard, l’épisode d’Oued Eddahab est devenu un point d’ancrage de la doctrine marocaine au Sahara : agir avant ses adversaires, transformer les vulnérabilités en atouts et inscrire la souveraineté dans des faits irréversibles sur le terrain. Cette approche s’est traduite par un repositionnement du dossier au Conseil de sécurité de l’ONU, où le référendum d’autodétermination n’est plus considéré comme réaliste, au profit d’une « solution politique pragmatique et durable ».

Le plan d’autonomie, présenté par Rabat en 2007, est désormais soutenu par plus de 120 pays, dont les États-Unis, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni, qui y voient la base la plus crédible pour un règlement négocié. Cette orientation diplomatique s’accompagne d’une transformation économique des provinces du Sud : construction du port atlantique de Dakhla, mise en service de l’autoroute Tiznit-Laâyoune-Dakhla, développement de parcs éoliens et d’unités de dessalement, et projets énergétiques à dimension continentale.

La présence de près de 30 consulats à Laâyoune et Dakhla illustre cette consolidation, transformant ces villes en plateformes diplomatiques et commerciales. Pour Rabat, la commémoration du 14 août n’est pas un exercice de nostalgie, mais un rappel de la centralité d’Oued Eddahab dans sa stratégie de souveraineté et de développement, face à une Algérie dont le soutien au Polisario n’a pas permis d’inverser la dynamique sur le terrain.

MK/Sf/APA