Des Nigérians à court d’argent abandonnent leurs animaux de compagnie

0 19

Les propriétaires d’animaux domestiques sont confrontés à l’augmentation du coût de la vie, au Nigeria.

Preye Maxwell a l’air bouleversé alors qu’il laisse son chien bien-aimé Hanks dans un refuge pour animaux à Lagos, la capitale fédérale du Nigeria.

En larmes, il déclare : « Je n’ai pas les moyens de m’occuper de lui. Je n’ai pas les moyens de le nourrir comme je devrais le faire. »

Son esquimau américain de deux ans aboie, tandis que Maxwell lui tourne le dos et sort de la St Marks’ Animal Rescue Foundation, à Ajah, dans la banlieue de Lagos.

Le docteur Mark Afua, vétérinaire et président du centre de secours, prend Hanks et le place dans une grande cage métallique, l’une des nombreuses cages du bâtiment de plain-pied conçu pour les chiens, les chats, les serpents et d’autres animaux.

Hanks tourne en rond dans sa cage et Afua tente de calmer le chien au poil duveteux en détresse.

Maxwell, stratège média en ligne, a récemment été licencié. En raison de sa recherche d’emploi, il n’est jamais à la maison et ne peut donc pas s’occuper de Hanks.

« J’essaie de faire tout ce que je peux pour survivre. Je n’ai même plus le temps [de m’occuper de Hanks] parce que je suis toujours à la recherche d’un emploi », a-t-il dit à la BBC.

La décision de ce jeune homme de 33 ans a été difficile à prendre, mais c’est celle que prennent de nombreux propriétaires d’animaux de compagnie face à l’augmentation du coût de la vie au Nigeria.

Le pays le plus peuplé d’Afrique est frappé par une forte inflation depuis que le président Bola Tinubu est arrivé au pouvoir il y a deux ans et a supprimé une subvention du carburant qui existait depuis longtemps.

Le taux d’inflation est passé de 22 % en mai 2023 à 35 % en décembre 2024, un record en vingt-huit ans, selon le Bureau national des statistiques (NBS).

Depuis, l’inflation est retombée à 24 %, mais cela signifie que les prix continuent d’augmenter, mais moins rapidement qu’auparavant.

La crise économique a contraint certaines entreprises à réduire leurs effectifs pour rester à flot face à l’augmentation des coûts d’exploitation, ce qui a poussé des jeunes comme Maxwell sur un marché du travail déjà saturé.

Les défenseurs des droits des animaux affirment qu’ils voient un nombre sans précédent d’animaux de compagnie abandonnés, car le coût de leur entretien devient incontrôlable.

Les prix des aliments pour animaux et des soins vétérinaires ont augmenté de plus de 100 %, car certains produits, notamment les médicaments, sont importés, et la monnaie locale s’est effondrée par rapport au dollar.

« Il y a une dizaine d’années, lorsque nous avons lancé ce projet, il n’y avait pas vraiment de gens qui abandonnaient leurs chiens parce qu’ils n’étaient pas en mesure de les nourrir », a expliqué le docteur Afua à la BBC.

Aujourd’hui, ce sont 10 à 12 animaux qui sont abandonnés chaque mois, selon lui.

Certains, comme Maxwell, confient leur animal à un refuge pour qu’il soit adopté, mais d’autres l’abandonnent purement et simplement.

Jackie Idimogu, militante contre la cruauté envers les animaux et présidente de My Dog and I (Mon chien et moi), une communauté d’amoureux des chiens à Lagos qui aide souvent à placer les animaux, dit avoir remarqué le changement.

« Aujourd’hui, ils n’ont même plus la patience [de trouver de nouveaux propriétaires]. Ils attachent simplement le chien à un poteau, au bord de la route », a-t-elle signalé.

La jeune femme de 32 ans affirme que plus de 50 % de ses revenus de fabricante de meubles et de décoratrice d’intérieur sont désormais consacrés à l’entretien de ses quatre chiens.

« Je dépense environ 250 000 nairas (environ 57 000 francs CFA) par mois pour mes animaux de compagnie », dit-elle, ajoutant que cela inclut la rémunération d’une personne chargée de promener les chiens et de s’occuper d’eux lorsqu’elle n’est pas là.

Mais Idimogu dit qu’elle ne peut pas supporter de les abandonner. « En tant que célibataire, je n’ai pas encore d’enfants. Mes chiens sont mes bébés. Je ne vois pas de différence entre une mère de chien et une mère humaine. Je ne pense pas qu’il me soit possible d’abandonner l’un de mes bébés pour quelque raison que ce soit. »

Au lieu de cela, elle a choisi d’adapter son mode de vie : moins de luxe pour elle-même, comme les bijoux, les coiffures coûteuses et les visites à la spa (centre de beauté), et moins de gâteries pour ses animaux, comme le poulet, les friandises au yaourt et les promenades en voiture. « J’avais l’habitude d’être tape-à-l’œil, mais j’ai dû baisser d’un ton à cause de mes chiens. »

 

 

Il en va de même pour Amartya Odanokende, qui se fait appeler « Jason the Cat Guy » sur les réseaux sociaux, où il aime transmettre son amour des félins à ses compatriotes nigérians, qui se méfient souvent des chats en raison de leur association avec la sorcellerie.

Il dépense environ 160 dollars américains (environ 92 400 francs CFA) par mois pour nourrir cinq gros chats et quelques chatons, auxquels s’ajoutent 7 dollars (environ 4 000 francs CFA) pour 10 kilos de litière. Depuis qu’il a obtenu ses chats prussiens en 2020, il affirme que ses dépenses ont augmenté de 100 %.

Cette « montée en flèche des coûts d’entretien » le préoccupe et il craint de s’endetter.

Iyke Elueze, un commerçant vivant à Lagos, a également du mal à s’occuper de ses 10 chiens.

« Il y a une marque particulière de nourriture que j’avais l’habitude d’utiliser. À l’époque, elle coûtait environ 30 000 nairas (environ 10 900 francs CFA). Cette même marque d’aliments pour chiens coûte 165 000 nairas (environ 60 000 francs CFA) », a-t-il dit à la BBC.

Eluez reconnaît que son premier chien, Hennessey, lui a sauvé la vie à une époque où il luttait contre la dépression, mais il aimerait se débarrasser de certains de ses animaux, car il doit maintenant donner la priorité à ses enfants en bas âge.

Mais le jeune homme de 36 ans craint que ses chiens ne finissent par être mangés, car ils sont considérés comme un mets délicat dans certaines régions du sud du Nigeria.

Hilda Baci, célèbre cuisinière et détentrice d’un record Guinness, s’est retrouvée sous le feu des critiques sur les réseaux sociaux après avoir admis avoir préparé un menu sur le thème de la viande de chien.

« Je fais très attention aux personnes qui adoptent mes chiens. Je ne veux pas que mes chiens finissent dans les marmites d’une autre personne », a dit ce père de deux enfants.

Mistura Ibrahim, une jeune tatoueuse de Lagos qui s’est donné pour mission d’aider les chats après en avoir sauvé deux qui étaient sur le point d’être lapidés, est déprimée par la situation. Elle a du mal à trouver de nouveaux foyers pour ceux qu’elle continue de sauver. « Je reçois des appels de personnes à qui j’ai donné des chats par le passé et qui me disent qu’elles n’ont vraiment pas les moyens de les garder. »

Mistura Ibrahim ne nourrit plus ses chats avec des boîtes de conserve. Elle préfère leur donner de la nourriture provenant de son assiette.

La jeune femme conseille de prendre au sérieux le bien-être des animaux de compagnie. « C’est comme avoir un enfant. Si vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir un enfant, ne le mettez pas au monde », recommande-t-elle.

Pour le docteur Afua, qui utilise les bénéfices de son cabinet vétérinaire pour financer son refuge, il est de plus en plus difficile d’héberger les animaux indésirables.

« Nous essayons d’aider les animaux à trouver rapidement un foyer, mais je fais attention aux foyers où ils vont pour qu’ils ne reviennent pas. Certains animaux ne trouveront jamais de foyer en raison des mauvais traitements qu’ils ont subis. »

La St Marks’ Animal Rescue Foundation s’occupant actuellement de plus de 60 chiens, soit environ le double de sa capacité, refuserait-elle jamais un animal ?

« Je n’en ai pas le cœur. À l’heure où je vous parle, il y a des chiens et des chats partout. Mon bureau et ma maison sont pleins – et je fais encore de la place pour le prochain. »

 

Source: abidjan.net

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.