Se réclamant homme libre, l’ancien ministre Joël N’Guessan a récemment pointé la responsabilité des magistrats dans les crises successives traversées par la Côte d’Ivoire. Il a été arrêté et sera présenté à un juge pour ces propos concernant l’éviction de leaders politiques du processus électoral par les magistrats.
Côte d’Ivoire : Coup de pression sur le ministre Joël N’Guessan ?
Joël N’Guessan a la particularité de dire ce qu’il pense, et on se demandait parfois jusqu’à quand ? Ce membre jadis influent du RHDP se retrouve aujourd’hui marginalisé et au bord de la prison à cause de ses propos parfois accusateurs contre ses camarades de parti, pense-t-il, naïvement, pour assainir la gestion des fonds publics.
Il n’avait déjà pas hésité à dénoncer publiquement des détournements de deniers publics par de hauts cadres de l’administration ivoirienne. C’est d’ailleurs l’affaire “Ange Barry Battesti” du Fonds de Développement de la Formation Professionnelle (FDFP), qu’il accusait d’avoir détourné plus de 20 milliards, qui a poussé le président Alassane Ouattara à le démettre de ses fonctions de patron de cette même institution.
Joël N’Gaussan accusait l’ancien Premier ministre Patrick Achi de protéger ce dirigeant d’institution contre qui il disait avoir des preuves de détournement. Il n’avait pas compris son éviction du Conseil d’administration du FDFP par le Conseil des ministres qui s’est tenu le mercredi 8 septembre 2021, alors qu’il invitait la justice à enquêter sur la gestion opaque d’Ange Barry Battesti.
Après cet épisode, il avait, dans la presse, dénoncé le fait que 1500 milliards de nos francs étaient détournés chaque année en Côte d’Ivoire. Depuis lors, Joël N’Gaussan est comme dans le viseur de ses détracteurs, qui semblent avoir raison de lui.
La déclaration de Joël N’Gaussan qui irrite la justice
Joël N’Gaussan est complètement mis au garage. Il est récemment sorti de sa réserve sur l’affaire du retrait du ministre Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo ou encore Charles Blé Goudé de la liste électorale. Il a déclaré dans une interview :
» Ce n’est pas Joël N’Guessan qui a décidé qu’on ne délivre pas, en l’occurrence, un certificat de nationale ivoirienne à Tidjane Thiam. Ce n’est pas moi. Ce sont les magistrats. Ça veut dire que si demain, il y a des troubles dans le pays, les premiers responsables, ce sont les magistrats. Ce ne sont pas les hommes politiques. C’est pour cela que j’exhorte les magistrats à bien analyser les situations avant de prendre des décisions. Quand on prend une décision pour priver un acteur politique de ses droits civiques et politiques, certes ça peut se comprendre. Mais il faut se référer au passé pour se dire que ce type de décisions avait causé d’énormes dégâts à la société ivoirienne. Je ne souhaite pas que les Ivoiriens revivent, ce qu’ils ont vécu ».
Cette déclaration pourtant pondérée a suffi pour qu’il soit convoqué et placé en garde à vue. Ce matin du 19 juin, il devrait être présenté à un procureur pour diffamation. Il faut noter que le ministre Joël N’Guessan est handicapé moteur. L’ancien Ministre d’Alassane Ouattara risque une peine de prison pouvant aller jusqu’à 1 an et une amende jusqu’à 3 millions de francs CFA.
Les décisions de justice dans les crises ivoiriennes
Il faut noter que depuis 1995, les décisions de la justice sont décriées dans toutes les crises politiques en Côte d’Ivoire. Au temps du régime du PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, la justice avait écarté l’actuel président Alassane Ouattara du processus électoral, dit-on, pour un problème doute sur sa nationalité ivoirienne d’origine. En réponse, il a déclaré « …Je frapperai ce pouvoir moribond, il tombera… »
Le régime de transition du général Robert Guéï avait aussi recalé le même Alassane Ouattara à la présidentielle de 2000 pour doute sur son ivoirité, alléguant qu’il serait d’origine burkinabè. Celui de Laurent Gbagbo a, lui aussi, été accusé d’avoir refusé de délivrer un certificat de nationalité à Alassane Ouattara.
Toutes ces décisions, comme l’a dit le ministre Joël N’Guessan, sont les nœuds des problèmes connus par la Côte d’Ivoire. Le point d’orgue a été la décision du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, sous Paul Yao N’Dré, qui avait donné vainqueur Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle de 2010, et qui avait dû rétropédaler après la chute du régime de Laurent Gbagbo, à la suite de la crise post-électorale qui a fait officiellement 3000 morts.
Autant de faits qui épinglent le rôle de la justice ivoirienne, qui vient de prendre le même type de décision contre le président du PDCI-RDA, M. Tidjane Thiam. Cette même justice a aussi condamné le président Laurent Gbagbo, le ministre Charles Blé Goudé et même l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, tous privés de leurs droits civiques.
Pour avoir interpellé les magistrats ivoiriens sur leurs décisions controversées qui alimentent les conflits en Côte d’Ivoire, Joël N’Guessan a été convoqué, dit-on, pour l’entendre, alors que ses dires sont assez clairs. Selon les dernières nouvelles, il aurait été placé en détention et sera présenté à un juge les premières heures de ce 19 juin.
Source: afrique-sur7.ci