Avec une production en plein essor et l’ambition affichée de tripler ses volumes d’ici 2030, le Cameroun est désormais le 5e producteur mondial de cacao. Mais cette croissance inquiète : 2024 a déjà marqué une année record de perte forestière, avec jusqu’à 43 % de couverture boisée disparue dans certains districts depuis 2020. Des zones sensibles comme Nkondjock, aux portes de la réserve faunique d’Ebo, voient leur biodiversité menacée : gorilles des plaines de l’Ouest et éléphants de forêt risquent l’extinction.
Un signal d’alarme pour l’Europe et les géants du cacao
Pour Théa Parson, analyste principale et coautrice du rapport, la situation est claire :« Le boom du cacao au Cameroun risque de faire du pays le prochain point chaud de la déforestation. Nous avons déjà vu les ravages de l’expansion incontrôlée en Côte d’Ivoire et au Ghana : forêts détruites, faune décimée et pauvreté persistante. »
L’Ong appelle à une action rapide face à l’entrée en vigueur, le 30 décembre 2025, du Règlement européen contre la déforestation (RDUE). Ce texte, qui impose la traçabilité totale du cacao exporté, représente une chance historique pour le Cameroun de rompre avec le scénario ivoirien. Mais le rapport avertit : les entreprises ne sont pas prêtes.
Les grands acteurs du secteur – de Cargill à Barry Callebaut, en passant par Nestlé – manquent de visibilité sur leurs chaînes d’approvisionnement et peinent à mettre en place les systèmes de contrôle exigés. Résultat : sans un sursaut, les petits producteurs camerounais pourraient perdre leur accès au marché européen.
La pauvreté, moteur caché de la déforestation
Derrière cette course au cacao se cache une réalité sociale alarmante : 69 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. Faiblement rémunérés, dépendants des “coxeurs” – ces intermédiaires qui contrôlent l’achat des fèves – les producteurs n’ont souvent d’autre choix que d’étendre leurs plantations aux dépens des forêts.
Amourlaye Touré, conseiller Afrique chez Mighty Earth, souligne : « Quand les agriculteurs n’arrivent pas à vivre de leurs terres, ils défrichent. Offrir des prix justes pour un cacao sans déforestation est la clé pour briser ce cercle vicieux. »
Une dernière chance pour éviter un scénario catastrophe
Depuis 2020, 782 797 hectares de forêts ont disparu au Cameroun – soit 4,2 % de la couverture forestière du pays. Les chiffres sont alarmants, mais Mighty Earth insiste : il est encore temps d’agir.
Le Cameroun peut éviter de répéter l’histoire tragique de la Côte d’Ivoire et du Ghana, où 90 % des forêts ont été rayées de la carte par l’expansion du cacao. Mais l’heure tourne : les décisions des prochains mois détermineront si le Cameroun sera un modèle de cacao durable… ou le prochain désastre écologique.
Le rapport formule des recommandations fortes aux entreprises où il est question de cartographier leurs approvisionnements, inclure les “coxeurs” dans les systèmes de traçabilité et garantir un revenu décent aux producteurs ; au gouvernement camerounais qui devrait créer un système national de gestion du cacao, encourager la culture sur terres dégradées et réguler les intermédiaires ; à l’Union européenne dans le cadre du renforcement du soutien technique et financier pour que le Cameroun puisse se conformer à la RDUE.
Source : Rapport Mighty Earth
Source: fratmat.info