Dans une tribune parvenue ce mercredi à APA, Dr Oulie Keita, Directrice exécutive de Greenpeace Afrique, dénonce le sommet Etats-Unis-Afrique du 9 juillet 2025 comme une manœuvre néocoloniale axée sur l’exploitation des ressources, loin des principes d’un véritable partenariat.
Ce qui s’est présenté comme un sommet de haut niveau entre les États-Unis et cinq pays africains s’apparente plutôt, selon Greenpeace Afrique, à une « mise en scène diplomatique au service d’intérêts extractifs ».
Dans une tribune intitulée « Until the lion learns to write: Trump’s summit and the making of another African deal », Dr Oulie Keita, Directrice exécutive de l’organisation, fustige la rencontre du 9 juillet 2025 à la Maison Blanche entre Donald Trump et les présidents du Sénégal, de la Mauritanie, du Gabon, du Libéria et de Guinée-Bissau.
« Ce sommet n’était pas une victoire. C’était un avertissement », affirme Dr Keita, pour qui la présence des dirigeants africains n’a en rien reflété un rapport d’égal à égal.
Elle estime que les enjeux réels de cette rencontre tournaient essentiellement autour de l’accès aux ressources stratégiques du continent – bauxite, gaz offshore, minerais critiques – et non d’une coopération fondée sur les besoins et aspirations africains.
Une rhétorique de façade, des intérêts bien ancrés
Derrière les déclarations officielles sur le commerce et la transition du « aid to trade », la responsable de Greenpeace Afrique voit surtout une volonté de Washington de sécuriser ses approvisionnements, notamment dans le contexte de compétition géopolitique avec la Chine et la Russie. « L’Afrique est de nouveau le terrain de jeu, pas l’arbitre », déplore-t-elle.
Elle cite l’exemple de la Guinée, premier exportateur mondial de bauxite, dont l’essentiel n’est ni transformé localement ni encadré par une régulation stricte.
« À Boké, les communautés respirent de la poussière toxique, perdent leurs terres agricoles, et boivent de l’eau polluée pendant que les multinationales engrangent des milliards », écrit-elle.
Le Sénégal et la Mauritanie, riches en gaz naturel et dotés de côtes stratégiques, sont eux aussi au cœur des convoitises. « Les compagnies fossiles rôdent comme des vautours, promettant du développement alors même que les pêcheries locales s’effondrent et que les écosystèmes marins sont sous pression », peste-t-elle.
Un sommet sans climat, sans solidarité
Ce que Dr Keita trouve le plus troublant, c’est l’absence totale de référence à la justice climatique, alors que « chaque pays présent dans cette salle subit déjà de plein fouet les impacts du dérèglement. »
Pire encore : les propositions de Donald Trump sur les migrations, demandant à certains États africains d’accueillir des migrants expulsés d’autres régions, en échange d’aides économiques, rappellent à ses yeux une politique de sous-traitance coloniale déguisée.
Seul le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, aurait publiquement refusé cet accord, dans un rare moment de résistance. Mais même cette prise de position fut accompagnée d’un message d’ouverture à la coopération avec Washington, Pékin et Moscou.
Pour Greenpeace Afrique, l’un des principaux problèmes reste la fragmentation du continent sur la scène diplomatique. « Il n’y a ni doctrine commune, ni stratégie de négociation collective . Et tant que l’Afrique négociera en ordre dispersé, elle restera vulnérable aux deals qui servent des agendas extérieurs », conclut Dr Keita.
SOURCE:APANews/APA-Dakar (Sénégal)