Le président tunisien Kaïs Saïed, confronté à une contestation politique et sociale croissante, voit son rapport à l’Union européenne de nouveau mis sous tension, selon l’ancien chef de gouvernement Hichem Mechichi.
La relation entre Tunis et Bruxelles a connu une nouvelle phase de crispation après la convocation, fin novembre, de l’ambassadeur de l’Union européenne par le président Kaïs Saïed, sur fond de poursuites judiciaires visant plusieurs figures de l’opposition. Cette séquence intervient peu après l’adoption, le 27 novembre, d’une résolution du Parlement européen dénonçant la détention de l’avocate Sonia Dahmani, finalement libérée dans la foulée.
Selon Hichem Mechichi, ancien chef du gouvernement tunisien, cette concomitance atteste de la sensibilité du chef de l’État aux signaux internationaux malgré sa rhétorique souverainiste, comme il l’a affirmé dans un entretien rendu public cette semaine.
Pour l’ancien responsable, cette réaction traduit moins une démonstration d’autorité qu’une volonté du président de ne pas apparaître comme cédant à une pression européenne. Mechichi estime que la convocation de l’ambassadeur relève d’une « mise en scène politique » destinée à prévenir toute interprétation d’un recul imposé de l’extérieur. Selon lui, la séquence confirme que Kaïs Saïed demeure attentif au regard des partenaires, même si son discours officiel s’appuie sur la dénonciation récurrente des ingérences et sur l’affirmation d’une souveraineté exclusive.
Sur le plan intérieur, l’ancien chef du gouvernement rappelle que les tensions politiques s’inscrivent dans un contexte socio-économique particulièrement difficile. L’inflation demeure élevée, autour de 7,2 % en octobre selon l’Institut national de la statistique, tandis que la croissance reste inférieure à 1 % depuis deux ans.
Le chômage touche près de 16 % de la population active, et certains produits de base continuent d’être soumis à des ruptures ponctuelles d’approvisionnement. Selon Mechichi, cette réalité sociale constitue un facteur déterminant susceptible de restreindre progressivement la marge de manœuvre du chef de l’État.
L’ancien responsable juge ainsi que la « dérive autoritaire » dénoncée par plusieurs ONG risque de se heurter aux contraintes économiques du pays, dont la soutenabilité financière dépend encore largement de ses partenaires extérieurs. Les discussions avec le Fonds monétaire international, suspendues depuis fin 2022, demeurent bloquées en l’absence d’un accord sur les réformes structurelles. De leur côté, les engagements européens, notamment dans le cadre du mémorandum d’entente signé en juillet 2023 portant sur un appui global de plus de 900 millions d’euros, restent conditionnés à des avancées politiques et institutionnelles.
SOURCE : APA News/MK/ak/ac/Tunis (Tunisie)