Pour l’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire, tous les états-majors des partis politiques, considérés comme grands, fourbissent leurs armes à l‘effet de présenter le meilleur de leurs «chevaux» pour s’offrir le palais du Plateau et avoir ainsi en mains les manettes de pilotage du pays. Lentement, mais également sûrement, on ne peut s’empêcher de penser que le pays court droit vers une autre crise majeure, tant les problèmes qui fâchent et qui divisent tardent à trouver des réponses qui puissent satisfaire tout le monde. À l’intérieur des partis qui comptent sur l’échiquier politique ivoirien, un maître-mot est le partage de tous : l’incertitude.
Présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire, que d’incertitude
Au niveau du Pdci-Rda, il ne fait aucun doute que Tidjane Thiam, le nouveau président du parti, est pressenti pour être sur le starting-block. Cependant, les tribulations que vit l’homme entre son problème de double nationalité, ses nombreuses convocations devant la justice ivoirienne, et les difficultés à se faire délivrer un certificat de nationalité, ne poussent guère à l’optimisme quant à l’acceptation de sa candidature par les institutions ivoiriennes qu’on dit être instrumentalisées. Demain nous situera.
L’incertitude est également de mise au niveau du Rhdp.
En dépit des journées de reconnaissance et d’hommage au chef de l’Etat, qui etaient organisées à coups de millions de FCFA, pour lui demander de solliciter un quatrième mandat, le silence de celui-ci plonge les militants dans une incertitude et une inquiétude sans nom.
Sera-t-il partant alors qu’il avait déjà déclaré à des journalistes : « …2025, ça suffit… » ? Mais on ne sera pas étonné qu’il remette le couvert, car des précédents, il y en a déjà eu; ou proposera-t-il un dauphin pour porter l’étendard du Rhdp ? Nul ne le sait encore.
Et les militants ont impatiemment attendu la convention du parti pour être situés. Mais le champion du Rhdp a demandé un temps de réflexion avant de se prononcer. Aux dernières nouvelles, l’homme se serait envolé pour Paris. Certainement pour mener sa réflexion sans pression et…
Ce qui en rajoute au doute, en dépit de l’optimisme que certains de leurs dirigeants voudraient faire partager.
Condamnation de Gbagbo à 20 ans de prison
Pour le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (Ppa-Ci), son président Laurent Gbagbo est déjà désigné candidat au cours d’une convention organisée quelques temps en arrière. Toutefois, il est de notoriété publique qu’une hypothèque pèse sur cette candidature, du fait que la justice instrumentalisée, l’a condamné à 20 ans de prison, dans la rocambolesque et ridicule affaire du « braquage » de la Bceao. Ce qui a conduit la Commission Electorale Indépendante (Cei), à rayer son nom de la liste électorale.
Sur cette condamnation, il y a beaucoup à dire. Et il y a également beaucoup à dire quant aux mesures prises par le chef de l’Etat dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la «réconciliation ».
En effet, Koné Katinan, Gilbert Aké N’gbo et Désiré Dalo, accusés d’être les auteurs directs du « braquage » de la Bceao, ont bénéficié d’une amnistie qui efface tout ce dont ils sont accusés. Mais Laurent Gbagbo, co-auteur indirect de ce « braquage », n’a bénéficié que d’une grâce qui maintient en l’état les accusations portés en son encontre.
Cette façon d’opérer défie tout entendement et en rajoute au soupçon de calcul politicien destiné à écarter l’homme des joutes électorales à venir. C’est ce qui motive les militants de son parti à lutter, pour que leur président soit politiquement réhabilité et retrouve ses droits civiques. On n’en est pas encore là, et en attendant, nul ne sait de quoi demain sera fait.
Pendant ce temps, le débat s’anime sur les réseaux sociaux, et certains voudraient qu’il soit focalisé sur le bilan de toutes les gouvernances qui ont eu cours dans notre pays, et principalement celles de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara. C’est de bonne guerre. Comme il fallait s’y attendre, les soutiens objectifs du Rhdp brandissent un bilan qu’ils jugent largement positif, fondé sur les infrastructures : routes bitumées, ponts, péages, échangeurs, etc. qu’ils publient à profusion.
laurent Gbagbo face à une rébellion qui a scindé le pays en deux
Ils affirment également qu’en dix ans de gouvernance, Laurent Gbagbo n’a apporté aucune « une aiguille » à la Côte d’Ivoire.
Il faut le reconnaître, la Côte d’Ivoire sous Ouattara a fait des avancées au plan macro-économique, et sur le plan des infrastructures, même si l’essentiel des investissements n’a été fait qu’à Abidjan. Toutefois, le quotidien des ivoiriens n’a guère changé.
Ensuite avec du recul, peut-on objectivement imputer à Laurent Gbagbo seul, ce qui a été fait ou n’a pas été fait sur la période de 2003 à 2010 ?
Pour rappel, arrivé au pouvoir en 2000, le gouvernement de Laurent Gbagbo a fait face à une série de tentatives de déstabilisation, avant de subir une rébellion qui a scindé le pays en deux. L’accord de Linas Marcoussis obtenu sous la dictée de la France, a obligé Laurent Gbagbo à partager le pouvoir et à cohabiter avec des rebelles ( Mpci, Mpigo, Mjp) et leurs alliés, regroupés au sein du Rhdp ( Pdci-Rda, Rdr, Mfa, Udpci).
Le Fpi, alors le parti de Laurent Gbagbo au pouvoir, s’est retrouvé minoritaire dans les différents gouvernements qui se sont succédé de 2003 à 2010.Ce fut une période ubuesque où la Côte d’Ivoire a eu dans son gouvernement des ministres, à la limite de l’illettrisme et au verbe incertain (…).
Des ministres qui adoptaient des décisions en conseil des ministres et une fois sortis du palais, contestaient ce qui avait été décidé d’un commun accord.
Le nord du pays hors de contrôle de Laurent Gbagbo et mis en coupe-réglée par les rebelles
Faut-il également rappeler que le nord du pays fut pendant longtemps hors de contrôle de Laurent Gbagbo et mis en coupe-réglée par les rebelles ? Ceux-ci y percevaient les impôts, les taxes que recouvrait leur structure, « la Centrale » et qui n’étaient pas reversés au trésor public du pays. Ces impôts et ces taxes servaient à entretenir les rebelles et leurs alliés, également pris en charge par l’État. Les factures d’électricité, d’eau ou du téléphone n’étaient pas payées au nord.
On n’oublie non plus les trafics de tous genres qui s’y déroulaient, au point de faire du Burkina Faso, un pays exportateur de cacao, sans que celui-ci ne dispose d’un seul pied de ce plant sur son sol à cette période. Le nord du pays ne participait donc pas à l’effort de construction nationale.
Ensuite, les ministres du Rhdp qui géraient des secteurs clés comme les Infrastructures, l’Economie, l’Enseignement supérieur, etc. et qui ont fait partie de tous les gouvernements de 2003 à 2010, peuvent-ils objectivement et honnêtement ne pas être comptables de la gestion et du bilan de cette période ?
Personne ne veut vivre ce qu’il nous a été donné de vivre en 2010 et en 2020.
Mais la grande crainte des Ivoiriens, est la danse de crabe qu’executent la Commission Électorale Indépendante(Cei) et son président Coulibaly Kuibiert, soutenus en cela par le Rhdp. Alors qu’il ne fait aucun doute que la liste électorale comporte de nombreuses irrégularités qui nécessitent que celles-ci soient expurgées, à travers une révision, Coulibaly Kuibiert freine des quatre fers. Il n’entend pas faire cette révision avant les élections, arguant que la loi ne lui fait pas obligation. Mais à quoi servirait cette révision après les élections?
On n’oublie non plus que le ministre Kobenan Kouassi Adjouman avait affirmé que son parti, le Rhdp, n’avait pas peur d’enrôler des étrangers agrandir son électorat. Donc…
A l’insistance de l’opposition et de certaines organisations de la société civile de voir la révision de la liste électorale, voire l’audit de cette liste se faire avant les élections, à l’appel de l’Église Catholique et de plusieurs autres organisations, Coulibaly Kuibiert leur oppose, surdité, mépris, suffisance et arrogance, comme s’il avait un agenda caché qu’il se doit d’exécuter.
Cela n’augure rien de bon car de leurs côtés, les partis politiques de l’opposition n’entendent pas en rester là…
Espérons seulement que le bon sens prendra le pas sur la passion et les calculs politiciens. Personne ne veut vivre ce qu’il nous a été donné de vivre en 2010 et en 2020…
Il faut savoir raison garder.
Ainsi va le pays.
Mais s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.
Par NAZAIRE KADIA.
Source: afrique-sur7.ci