Nigeria : Un vent de renouveau souffle sur l’industrie textile avec la création d’un Conseil de développement du coton, du textile et de l’habillement pour revitaliser l’industrie textile du pays

En Afrique, l’industrie textile est aujourd’hui dominée par les poids lourds du Nord, en l’occurrence l’Égypte, le Maroc et la Tunisie. Autrefois cité parmi les leaders sur le continent, le Nigeria, dont l’industrie est en déclin, tente désormais de se réinventer pour renouer avec son passé glorieux.

Au Nigeria, un vent de renouveau souffle sur l’industrie textile. Le jeudi 24 avril dernier, le Conseil économique national (NEC) a approuvé la création d’un Conseil de développement du coton, du textile et de l’habillement. Selon les informations relayées par les médias locaux, ce nouvel organe de régulation du secteur textile siègera à la Présidence, sera piloté par le secteur privé avec l’implication du secteur public, et sera financé par la taxe à l’importation sur les textiles perçue par la Douane nigériane.

Il s’agit de la dernière mesure en date annoncée par le gouvernement pour revitaliser l’industrie textile. Déjà en 2024, le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’investissement a révélé avoir mobilisé 3,5 milliards $ avec l’appui du secteur privé dans le cadre de l’élaboration d’un plan de relance du secteur. Si les détails concernant cette feuille de route et les stratégies à mettre en œuvre restent encore flous, l’objectif de ces différentes démarches est clair : ramener l’industrie nigériane au faîte de sa gloire perdue.

Une industrie prolifique dans les années 70

Dans les années 1970, l’industrie textile nigériane représentait un secteur clé, avec près de 180 usines en activité couvrant toute la chaîne de valeur (du coton brut jusqu’aux vêtements finis) et plus d’un million d’emplois. Le secteur textile nigérian était alors très dynamique, permettant au pays de couvrir environ 70 % de ses besoins domestiques en tissus.

Parmi les usines qui incarnaient cette prospérité figuraient notamment United Nigerian Textile Limited, Aswani Textile, Afprint, Asaba Textile Mills et Edo Textile Mills, surtout dans des villes comme Kano, Kaduna et Lagos.

Alimenté par une production locale de coton dynamique et soutenu par des politiques protectionnistes, le secteur avait hissé le Nigeria au rang de troisième producteur textile d’Afrique, derrière l’Égypte et l’Afrique du Sud.

Anatomie d’une chute

Le retournement s’opère dans les années 1990, sous l’effet combiné de plusieurs facteurs. D’abord, la libéralisation commerciale, marquée par l’adhésion du Nigeria à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, ouvre le marché aux importations de textiles bon marché en provenance d’Asie et d’Europe.

Ensuite, la contrebande explose, notamment par les frontières avec le Bénin. À cela s’ajoutent les infrastructures défaillantes, en particulier les coupures d’électricité chroniques, forçant les usines à recourir à des générateurs coûteux, le tout dans un contexte de politiques publiques incohérentes, oscillant entre restrictions et libéralisation sans accompagnement durable.

Le secteur subit alors un véritable effondrement avec la fermeture progressive de nombreuses usines qui sont devenues de moins en moins compétitives au fil des années.

Entre 1994 et 2005, le nombre d’entreprises passe de 124 à 45, soit une chute de 64 %. L’emploi direct, lui, s’effondre de 150 000 à moins de 20 000 salariés, tandis que les usines restantes fonctionnent à moins de 40 % de leurs capacités selon les données officielles. Devenue dépendante à 70-90 % des importations textiles, l’économie nigériane enregistre une perte massive de devises.

Les défis à relever

Selon une étude de Ndukaeze Nwabueze, publiée par l’Université de Lagos en 2009, ce déclin est directement imputable à une « libéralisation aveugle », appliquée sans mesures de protection pour les industries locales. « Les tentatives de redressement, à l’image du fonds de 50 milliards de nairas mis en place par le gouvernement en 2006, se sont révélées inefficaces, faute de réformes structurelles profondes, notamment dans l’énergie, les transports et la gouvernance », souligne l’étude qui plaide pour une refonte globale de l’environnement économique plutôt que des mesures financières isolées.

Pour relancer l’industrie textile, plusieurs pistes sont proposées par les observateurs, parmi lesquelles un protectionnisme ciblé, la modernisation des infrastructures, un soutien renforcé à la filière coton et un contrôle plus strict des frontières pour lutter contre la contrebande. Autant de défis à relever par le Conseil de développement du coton, du textile et de l’habillement pour redonner au Nigeria une place dans le paysage textile africain dominé aujourd’hui par l’Égypte, le Maroc et la Tunisie.

En l’état actuel, le Nigeria doit recourir massivement aux importations pour satisfaire la demande de son industrie locale en produits textiles et en habillement sur le marché intérieur. D’après les données compilées sur la plateforme Trade Map, le pays le plus peuplé d’Afrique a ainsi importé pour près de 22 millions de dollars de coton et environ 190 millions de dollars de vêtements sur le marché international en 2023.

La plateforme statista projette que la taille du marché nigérian de l’habillement devrait atteindre 10 milliards $ en 2025 et afficher une croissance moyenne de 7,23 % par an jusqu’en 2029. L’industrie locale pourrait tirer un meilleur parti de cette dynamique de croissance si les récents développements observés dans la relance du secteur se traduisent par des investissements effectifs pour renforcer sa production. En attendant, la dépendance du géant ouest-africain vis-à-vis des importations reste élevée.

Source: ecomnewsafrique.com

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