L’Afrique peut (et doit) améliorer ses systèmes de transports

Afin de réduire les importations et de réaliser le potentiel formidable de l’Afrique en matière de production agricole, l’Afrique doit améliorer sa logistique des transports, juge un rapport.

 

« Remédier à l’insécurité alimentaire en Afrique ne se résume pas à produire plus, il s’agit de réparer les systèmes défaillants qui empêchent les denrées alimentaires d’arriver là où elles sont le plus nécessaires. » Ces propos sont d’Axel van Trotsenburg, directeur général de la Banque mondiale. Il réagissait à la publication d’un rapport de son institution intitulé Les transports au service de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne : renforcer les chaînes d’approvisionnement.

« Les preuves sont claires : une réduction de 10 % des coûts de transport pourrait augmenter les échanges commerciaux de 25 %, stimulant ainsi les économies régionales. »

« En investissant dans les transports et en les améliorant, nous pouvons supprimer les principaux goulets d’étranglement, réduire les coûts et garantir un accès plus fiable à la nourriture pour des millions de personnes. » En effet, si divers facteurs contribuent à l’insécurité alimentaire en Afrique, l’inefficacité des transports constitue un élément souvent négligé. Le rapport constate que les chaînes d’approvisionnement alimentaire en Afrique sont quatre fois plus longues qu’en Europe, ce qui entraîne des retards dans la livraison des denrées, une augmentation des prix et un gaspillage des ressources.

« On ne peut pas résoudre la crise de l’insécurité alimentaire en Afrique sans s’attaquer aux problèmes de transport sous-jacents. Grâce à des investissements coordonnés dans les infrastructures essentielles, il est possible de créer un système alimentaire plus résilient qui garantira à chaque Africain l’accès à la nourriture dont il a besoin pour être en bonne santé et réaliser tout son potentiel », considère Charles Kunaka, auteur principal du rapport.

En préambule, ce dernier constate, pour s’en réjouir, que la production alimentaire en Afrique a augmenté au cours des deux dernières décennies. « Curieusement », le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a également augmenté. L’Afrique importe généralement ses denrées alimentaires des marchés étrangers plutôt que de l’intérieur du continent. Le commerce intracontinental ne représente que 5 % du commerce céréalier africain, et l’accès à la nourriture prend jusqu’à dix fois plus de temps que dans les régions développées. Les défis de la chaîne d’approvisionnement alimentaire se posent à différentes échelles, du niveau local au niveau international.

 

D’inutiles barrières non tarifaires

D’abord, le rapport pointe le mauvais accès aux routes rurales. Le manque d’accès isole les agriculteurs des marchés. Environ 60 % de la population rurale africaine vit à plus de 2 kilomètres d’une route praticable en toute saison. « L’inefficacité des réseaux de transport rural ralentit la distribution des denrées alimentaires et augmente les coûts. Les agriculteurs ont du mal à se procurer des engrais et des semences, ce qui perpétue la faible productivité et la production et conduit à l’insécurité alimentaire. »

 

Population de l’Afrique subsaharienne définie selon la distance parcourue par les denrées alimentaires (2022).

Bleu : manioc ; vert : maïs ; orange : riz ; noir : blé. On voit que 65 % environ des Africains consomment du blé qui a parcouru plus de 6 000 kilomètres.

 

Bien sûr, cette situation induit des coûts élevés des services de transport. Dans certains pays, les distorsions du marché des services de transport entraînent des pratiques monopolistiques, permettant à quelques opérateurs de gonfler les prix. « Ce problème limite les options de transport abordables pour les agriculteurs et les consommateurs, exacerbant les risques liés à la sécurité alimentaire. »

La fragilité des infrastructures, caractérisée par des systèmes de transport nationaux particulièrement fragmentés ou mal entretenus, rend les réseaux vulnérables aux dommages causés par les phénomènes climatiques extrêmes.

À ces facteurs s’ajoutent des barrières commerciales régionales. Les barrières non tarifaires, telles que les retards bureaucratiques et les coûts cachés, augmentent les coûts du commerce régional de 8 % à 25 %, calcule la Banque mondiale. En conséquence, les excédents alimentaires d’un pays ou d’une région ne parviennent souvent pas à atteindre les zones voisines.

Les denrées alimentaires parcourent en moyenne 4 000 kilomètres, ce qui représente un temps de transport jusqu’à dix fois plus long que dans les régions développées du monde. L’inefficacité des ports, dont seulement 52 sur 138 sont équipés pour traiter des volumes importants de denrées alimentaires, entraîne des retards, des encombrements et des coûts plus élevés.

 

Priorité aux ports

Problème d’autant plus crucial que les capacités de stockage sont limitées : la chaîne d’approvisionnement alimentaire en Afrique fonctionne presque en « flux tendu », avec des capacités de stockage limitées en cas d’urgence ou de perturbations de l’approvisionnement sur les marchés mondiaux. Tout cela entraîne des pertes importantes après la récolte.

 

Pour la Banque mondiale, il est donc nécessaire de moderniser le transport maritime, les ports maritimes et les corridors. Ce, afin d’accroître leur efficacité et de réduire les retards. « Les principales mesures comprennent la rationalisation des contrôles douaniers et frontaliers afin de réduire les coûts et les délais et d’améliorer la circulation des marchandises. Il est essentiel d’investir dans les corridors régionaux clés afin de relier efficacement les zones excédentaires et déficitaires. »

Cela doit s’accompagner d’une lutte contre les barrières non tarifaires, accroître l’efficacité des services de transport. Par exemple, en s’attaquant « au problème courant des camions circulant à vide ».

Les plateformes électroniques de fret qui mettent en relation la demande en temps réel avec les fournisseurs peuvent contribuer à réduire cette inefficacité. « Les preuves sont claires : une réduction de 10 % des coûts de transport pourrait augmenter les échanges commerciaux de 25 %, stimulant ainsi les économies régionales », insiste la Banque mondiale.

Qui recommande également d’améliorer la connectivité locale et nationale, ne serait-ce que par l’entretien et la modernisation des routes existantes. Concernant la nécessaire construction d’unités de stockage, l’institution suggère, dans une stratégie de long terme, d’encourager les partenariats public-privé.

                                      Chargement de maïs au port de Lagos.

 

@AB

Source: NewAfrican/Le Magazine de l’Afrique

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