Foncier en Côte d’Ivoire : les députés ivoiriens accusent et expriment leur colère face au ministre Koné Bruno

La gestion du foncier urbain en Côte d’Ivoire est aujourd’hui au cœur d’une crise de confiance. Auditionné par les députés ce mardi 17 juin 2025, Bruno Nabagné Koné, ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, s’est prêté à l’exercice d’une séance de questions orales avec débat, à l’hémicycle du Palais de l’Assemblée nationale. Au menu des échanges : la protection du domaine foncier urbain.

Face à une Assemblée survoltée, le ministre a dû répondre à l’indignation de parlementaires porteurs de la colère d’une population de plus en plus méfiante vis-à-vis de l’administration foncière. Au cœur de cette fronde : l’affaire retentissante du lotissement Bessikoi-Diorogobité 2, devenue le symbole criant d’un système à bout de souffle.

Tout est parti, en février dernier, d’une vidéo virale. On y voit Dame Traoré, en larmes devant une caméra, racontant comment sa parcelle a été arrachée par un promoteur immobilier à Cocody. Derrière ce drame individuel se cache un système frauduleux plus vaste : 272 lots auraient été attribués à partir de procurations falsifiées, avec la complicité présumée d’agents administratifs et d’opérateurs bien introduits dans certains cercles politiques

« Le promoteur en question bénéficie de protections au sein même de l’appareil d’État », a accusé le député Gaspard Séhi (PPA-CI), auteur de la question parlementaire. Il pointe également du doigt la lenteur du parquet du Plateau, incapable, selon lui, d’enrayer les agissements de ces prédateurs fonciers.

Mais l’affaire Bessikoi n’est que la partie émergée de l’iceberg. Plusieurs députés ont évoqué d’autres cas de spoliations, où se mêlent procurations falsifiées, attestations villageoises multiples et, parfois, ventes croisées orchestrées par des chefs coutumiers rivaux.

Le tableau est sombre. Même les élus ne sont pas épargnés. Gaspard Séhi raconte comment, en octobre 2024, son propre terrain à Abidjan a été vendu à son insu pendant qu’il séjournait en France. Pire, les taxes foncières ont été réglées par un inconnu, avec la complicité apparente de fonctionnaires du cadastre. « Qui a payé mes impôts ? Personne ne sait. Ou plutôt si : des complices au sein même de l’administration », s’est-il insurgé.

Face à cette avalanche d’accusations, le ministre a tenté de défendre l’action de son ministère. Il a mis en avant : La loi 2024-351 sur la sécurisation des titres fonciers ; le lancement, en 2022, du Système intégré de gestion du foncier urbain (SIGFU) ; des audits internes en cours dans son département.

Bruno Koné a exposé sa vision d’une gouvernance foncière nouvelle, reposant sur la maîtrise de l’urbanisation, la régulation stricte des constructions et un accès au logement sécurisé pour tous. Il a vanté les efforts entrepris pour produire des documents d’urbanisme adaptés aux réalités locales, soutenus par des outils numériques avancés.

Mais dans l’Hémicycle, le scepticisme demeure. « Des lois, il y en a toujours eu. Mais sur le terrain, rien ne change », a résumé un député. Pour les parlementaires, les textes ne suffisent pas : ils réclament des sanctions exemplaires, une refonte des pratiques coutumières, et surtout un assainissement de l’administration foncière, gangrenée par des réseaux mafieux.

Au-delà de la fraude documentaire, ce débat a également mis en lumière un autre mal ivoirien : les conflits coutumiers. Le cas de Bessikoi est emblématique : depuis près de 20 ans, deux villages se disputent la légitimité de signer les attributions de terrain, semant la confusion et multipliant les risques de ventes croisées.

« Quand deux chefs vendent le même terrain à deux acquéreurs différents, que voulez-vous que le citoyen comprenne ? », s’est indigné un député, appelant à une réforme profonde des pratiques foncières coutumières, minées par les luttes de leadership et les intérêts financiers.

Pour les citoyens, les attentes sont claires : Des sanctions fermes contre les opérateurs véreux et leurs complices administratifs ; Une justice accélérée pour les victimes d’expropriation ; Une décentralisation des procédures foncières pour rapprocher les décisions des réalités locales .

Le ministre a promis que « la confiance sera restaurée ». Mais dans l’opinion publique, la méfiance reste vive. Car derrière chaque terrain vendu frauduleusement, il y a un drame humain, une famille dépossédée, une vie brisée.

JB

 

Source: abidjan.net

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