Flux migratoire/De nombreux migrants sont victimes de violence des bandes criminelles et à l’exploitation sexuelle

Les migrants sont deux fois plus nombreux à mourir dans le Sahara que dans la mer Méditerranée, selon des experts du Haut-commissariat aux réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations. Ces derniers ont recueilli, ces trois dernières années, des témoignages de – survivants de cette traversée du Sahara. Envoyé spécial du HCR pour la Méditerranée occidentale et centrale, Vincent Cochetel décrit le calvaire que vivent les migrants, hommes et femmes, sur ces routes de la mort.  

D’après des témoignages que vous avez recueillis auprès des migrants, ce qu’ils craignent le plus, ce sont les violences physiques. Quel type de violence ?

Des violences par des bandes criminelles qui essaient de dépouiller les migrants et les réfugiés de toute leur possession pendant ces voyages périlleux. Ça s’ajoute en plus à des contraintes de type travail forcé pour certains, exploitation sexuelle pour les femmes. Donc, c’est ce type de violence physique auquel on se réfère.

Les femmes migrantes peuvent-elles échapper au viol ?

Les femmes peuvent échapper au viol et elles développent entre elles des stratégies de protection, en voyageant à l’intérieur de groupes un peu plus larges. Mais là encore, malheureusement, une fois que ces gens-là arrivent en Afrique du Nord, on s’aperçoit que beaucoup ont déjà fait l’objet de sévices le long des routes.

Qui sont les agresseurs de ces migrants, est-ce que ce sont les passeurs ou d’autres individus ?

Vincent Cochetel note que  » des violences sont perpétrées par des bandes criminelles sur les migrants et les dépouillent de leurs biens.

Il s’agit de bandes armées criminelles qui voient le caractère vulnérable de ces personnes et essayent d’en profiter, d’en profiter de toutes les manières possibles. Parfois, ces bandes criminelles sont liées aux passeurs et aux trafiquants, qui eux essayent de retenir dans des centres de détention informels les migrants et les réfugiés de façon à pouvoir extorquer de leurs familles un peu plus d’argent. Ça, ce sont les principaux acteurs de ces violences et de ces abus. Mais on a aussi des officiels qui sont des gardes-frontières, qui sont des gardiens de prison, qui sont des responsables des services des migrations, qui font subir aux migrants et aux réfugiés sur ces routes malheureusement des violations.

Selon vous, les passeurs respectent-ils les clauses contractées entre eux et les migrants pour la traversée du Sahara ?

Non, c’est rarement le cas. Beaucoup de passeurs aujourd’hui disent même aux migrants et aux réfugiés : « Partez maintenant, vous pourrez payer après, vous n’avez pas besoin d’avancer de l’argent ». On voit le développement un peu de ce type d’offre alléchante des passeurs. En réalité, très rapidement, les gens vont être soumis à un travail forcé de façon à rembourser leur dette. Et étape par étape, le coût va augmenter.

  Arrive-t-il que les migrants soient abandonnés en plein désert ?

Effectivement, ou parce qu’ils sont malades, ou parce qu’il y a un problème avec le passeur, parfois même ces migrants et réfugiés, quand ils sont tombés du camion dans lequel ils étaient, ces passeurs ne vont pas les ramasser. Parfois, il y a un problème avec le camion et donc, tout le monde est débarqué et les passeurs se sauvent, abandonnant les gens au milieu de nulle part.

 Vous mentionnez dans votre rapport   que tous ceux qui ont traversé le Sahara peuvent nous ne parler de personnes qu’ils connaissent, qui sont mortes dans le désert…

Oui, toutes les personnes qu’on interviewe ont vu au moins des cadavres dans le désert, et parfois, ils connaissent des gens qui ont commencé le voyage avec eux, qui sont décédés au cours de ce voyage-là. Ce qui nous laisse à penser qu’effectivement les morts le long des routes terrestres sont beaucoup plus importants que par les voies maritimes.

Pensez-vous qu’il y a deux fois plus de morts dans le Sahara que dans la mer Méditerranée ?

C’est tout à fait ça. C’est sur la base des témoignages qu’on recueille. C’est un rapport qui est quand même fondé sur plus de 31 000 interviews avec des migrants et des réfugiés. Ça constitue une base solide de preuves pour étayer cette supposition.

 Le couloir Niger-Libye a été longtemps bloqué par les autorités de Niamey, qui, avec le soutien de l’Union européenne, ont réprimé le trafic au niveau d’Agadez. Mais depuis que cet accord avec l’Union européenne a été dénoncé au mois de novembre dernier par la junte au pouvoir -, les migrants empruntent -ils ce couloir ?

Ils repassent par ce couloir, mais pas simplement par ce couloir. Ils passent aussi vers l’Algérie dans les deux sens. Un petit peu moins du Tchad vers le Niger, mais effectivement les mouvements à travers le Niger pour aller en Libye ont repris.

  Le flux de migrants traversant le Sahara a-t-il augmenté depuis 2020 ?

Oui, cette année, on voit une augmentation avec ce changement de législation au Niger, on voit beaucoup plus de mouvements vers le Niger. Mais effectivement, les crises, tant dans le Sahel, au Mali, au Burkina Faso, qu’au Soudan, sont vraiment des méga crises qui affectent des millions de personnes. Tous ne vont pas vers l’Afrique du Nord. On voit aussi des gens aller vers le golfe de Guinée. Mais il est certain que l’espace saharien restera un espace de passage pour les réfugiés et les migrants en quête de vie meilleure ou de sécurité.

Source : rfi.fr