Corruption: l’Algérie en lutte contre les avoirs offshore

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a relancé, en marge de la Foire de la production nationale, le récit officiel de la lutte contre la corruption, évoquant des milliers de milliards de dinars détournés et dissimulés à l’étranger, notamment dans des juridictions offshore comme les Îles Vierges.

En visite jeudi à la Foire de la production nationale, Abdelmadjid Tebboune a dressé un tableau sombre des pratiques de prédation ayant marqué, selon lui, une « période noire » de l’économie algérienne. Le chef de l’État a évoqué des montants colossaux issus de la surfacturation et de détournements de fonds publics, affirmant que des milliards de dinars auraient été transférés vers des places financières offshore, dont les Îles Vierges, avant de promettre que « l’argent caché à l’étranger finira par revenir ».

Cette déclaration s’inscrit dans la continuité d’un discours présidentiel régulièrement axé sur la récupération des biens de l’État et la poursuite judiciaire des anciens oligarques. Le président a assuré que les mécanismes engagés par les autorités permettraient, à terme, de rapatrier les fonds dissimulés hors du pays. Toutefois, aucune échéance précise ni évaluation chiffrée détaillée des montants effectivement récupérés n’a été communiquée.

Sur le plan juridique, la récupération d’avoirs logés dans des juridictions offshore demeure un processus complexe. Les procédures de coopération judiciaire internationale, la multiplicité des montages financiers et les exigences de traçabilité ralentissent considérablement les démarches, rendant incertain le calendrier de restitution des fonds évoqués. Plusieurs observateurs soulignent que, malgré les annonces répétées, les résultats concrets restent difficiles à mesurer.

Le discours présidentiel a également mis l’accent sur la relance d’entreprises confisquées dans le cadre des poursuites anticorruption. La holding publique Agrodiv, chargée de la gestion de 37 unités de production récupérées, a été citée comme exemple, avec 35 unités aujourd’hui opérationnelles et plus de 2 200 emplois maintenus, selon les autorités. Cette reprise industrielle est présentée comme un succès de l’intervention de l’État.

Cette stratégie soulève néanmoins des interrogations sur la gouvernance économique. La remise en activité des entreprises confisquées repose principalement sur leur reprise par le secteur public, sans que les autorités n’aient détaillé les réformes structurelles mises en place pour prévenir de nouvelles dérives.

Des économistes estiment que la corruption systémique dénoncée par le président s’est développée dans un environnement marqué par des contrôles insuffisants et une forte centralisation des décisions.

En saluant le rôle du Premier ministre dans ce processus, le chef de l’État a insisté sur la continuité de l’action gouvernementale. Mais cette centralisation du pilotage de la lutte anticorruption, en l’absence de bilans indépendants et de transparence accrue, alimente le débat sur l’efficacité réelle des mécanismes engagés.

Si le discours présidentiel met en lumière l’ampleur des détournements passés, il souligne aussi les limites d’une stratégie encore largement fondée sur l’affichage politique et la gestion étatique des actifs récupérés, plutôt que sur une réforme approfondie des systèmes de contrôle et de responsabilité.

SOURCE:APANews

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