Contrats pétroliers en cascade : le pari risqué de l’Algérie

Malgré une mise en scène diplomatique soignée autour de l’« Algeria Bid Round 2024 », les nouveaux contrats signés par Sonatrach avec des firmes étrangères témoignent d’une politique énergétique ancrée dans le passé, peu soucieuse des défis climatiques, de la diversification économique et de la sécurité énergétique à long terme.

Sous le vernis d’un regain d’attractivité internationale, la signature de cinq nouveaux contrats d’hydrocarbures par Sonatrach, ce 22 juillet à Alger, révèle surtout l’impasse stratégique dans laquelle persiste la politique énergétique algérienne. Présentée comme une victoire diplomatique et technocratique par les autorités, l’opération « Algeria Bid Round 2024 » s’est soldée par l’attribution de cinq périmètres sur six proposés, pour un investissement minimal de 600 millions de dollars, strictement alloués à l’exploration. Une somme modeste si on la compare aux besoins colossaux du secteur, et qui traduit surtout l’atonie du modèle énergétique algérien dans un contexte de transition mondiale vers le post-pétrole.

Parmi les bénéficiaires figurent des géants comme TotalEnergies, ENI ou Sinopec, mais aussi des acteurs secondaires comme Filada, Zangas ou ZPEC. Le recours à des joint-ventures ou à des contrats de partage de production démontre la dépendance persistante de l’Algérie à l’égard de ses partenaires étrangers pour le financement, la technologie et le savoir-faire. L’absence d’un acteur majeur américain, et le désintérêt d’autres grandes firmes internationales signalent, par ailleurs, une méfiance persistante liée à l’instabilité réglementaire du pays, au manque de transparence, et aux blocages structurels du secteur.

Alors que les pays du Golfe, l’Europe ou encore des économies émergentes diversifient agressivement leurs sources d’énergie et investissent massivement dans l’hydrogène vert, le solaire ou l’éolien, Alger persiste à miser l’essentiel de ses ressources sur l’exploration d’hydrocarbures dans des zones désertiques de plus en plus difficiles d’accès. Aucune mention n’a été faite, lors de la cérémonie, de la compatibilité de ces projets avec les engagements climatiques internationaux, ni de leur cohérence avec une stratégie énergétique intégrée au service de la souveraineté à long terme.

En consacrant encore une fois l’allocation de fonds publics et d’accords internationaux à des projets d’exploration conventionnelle, le gouvernement algérien reconduit une logique rentière qui montre ses limites. Le secteur des hydrocarbures représente toujours plus de 90 % des recettes d’exportation du pays, dans une économie plombée par le chômage, la fuite des cerveaux et un tissu industriel sous-développé. À aucun moment, ces contrats ne semblent s’inscrire dans un plan global de relance économique diversifiée, encore moins dans une réforme structurelle du modèle Sonatrach, gangrené par une gouvernance opaque et une faible performance technologique.

L’« Algeria Bid Round 2024 » est, en définitive, une opération de communication bien huilée, sans vision stratégique claire. En l’absence d’un débat public sur les choix énergétiques, d’une loi sur la transition énergétique crédible, ou d’une feuille de route alignée avec les standards de l’Union africaine ou de la COP28, ces signatures apparaissent davantage comme une tentative de rassurer à court terme les bailleurs de fonds et les partenaires, plutôt qu’une réponse aux défis du XXIe siècle.

MK/Sf/ac/APA
 Source: APANEWS
Comments (0)
Add Comment