Café-cacao: des multinationales manœuvrent pour plomber la filière

Le cacao, pilier de l’économie ivoirienne, est au cœur d’une bataille stratégique entre producteurs et multinationales. Alors que le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et des Productions vivrières s’active à structurer la filière à travers la mise en place d’une Organisation Interprofessionnelle Agricole (OIA), certaines grandes entreprises tenteraient de freiner le processus pour conserver leur mainmise sur ce marché lucratif.

L’OIA cacao, en cours de constitution , doit regrouper trois collèges : celui des planteurs, celui des transformateurs et un troisième réunissant exportateurs nationaux, multinationales et acheteurs. Ce cadre inédit doit permettre de rationaliser la gouvernance de la filière, en don- nant enfin une voix prépondérante aux producteurs, véritables piliers de cette économie. Avec plus d’un million de planteurs et près de huit millions de personnes vivant directement ou indirectement de cette activité, l’enjeu est colossal, tant sur le plan économique que social.

« Aujourd’hui, il y a trop sou- vent des gens qui parlent au nom des producteurs sans en être », explique un cadre du ministère. « L’OIA nous permettra d’identifier clairement les représentants légitimes et de travailler avec eux ». Les pressions du GEPEX Cependant, dans l’ombre, certains membres du Groupement des Exportateurs de Cacao (GEPEX), qui re- groupe les principales multi- nationales, multiplient les manœuvres pour modifier la composition des col- lèges. Dirigé par Françoise Mariam Bédié, également conseillère de l’opposant Tidjane Thiam, le GEPEX ré- clame la création de deux collèges distincts : un pour les exportateurs nationaux et un autre pour les multinationales. Un tel découpage conduirait à la mise en place de cinq collèges, au lieu des trois prévus, don- nant aux multinationales quatre blocs favorables et reléguant les producteurs à une position minoritaire.

« Nous connaissons leurs manœuvres. Ils veulent nous tenir loin des décisions im- portantes », dénonce Kouamé Koffi Anatole, planteur à Bouaflé. Un bras de fer décisif Les exportateurs, souvent liés aux multinationales, pourraient ainsi continuer à influencer la fixation des prix, les orientations stratégiques et la régulation du marché, au détriment de la rentabilité et du pouvoir de négociation des producteurs. « Nous ne voulons pas de nouveaux collèges qui rendent les exportateurs plus dominants », insiste Adama Konaté, planteur à Divo. « Le gouvernement doit rester ferme et respecter la configuration initiale ».

L’enjeu : préserver la souveraineté de la filière Pour les producteurs, cette réforme représente l’espoir de rééquilibrer un rapport de force historiquement dé- favorable. Pour les multinationales, il s’agit de protéger un système qui leur assure profits et influence. Le gouvernement est donc face à un choix clair : céder aux pressions ou défendre un modèle où les planteurs, premiers acteurs de la chaîne, auront enfin leur mot à dire. Dans un pays qui reste le premier producteur mondial de cacao, l’issue de ce bras de fer pourrait bien redessiner l’avenir d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et la stabilité sociale.

Source: Abidjan.net

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