Bénin : récit d’un coup d’État avorté

Une tentative de coup d’État menée dimanche par un groupe de militaires au Bénin a été déjouée par les forces loyalistes, provoquant le déploiement immédiat d’une force régionale de la Cédéao. Si le président Patrice Talon a repris le contrôle de la situation, des mutins en fuite détiendraient encore des otages, selon les autorités.

Le Bénin a connu dimanche 7 décembre une tentative de coup d’État avortée qui a ébranlé ce pays d’Afrique de l’Ouest réputé pour sa stabilité démocratique depuis 1972, suscitant une mobilisation immédiate de la communauté régionale et internationale.

Le déroulement des événements

Aux premières heures du dimanche, un groupe de militaires s’est emparé de la télévision publique béninoise pour annoncer la destitution du président Patrice Talon. Se présentant comme le Comité militaire pour la refondation (CMR), ces soldats ont désigné le lieutenant-colonel Tigri Pascal à la tête de leur mouvement.

Dans leur déclaration, les putschistes ont invoqué une série de griefs contre le gouvernement en place : dégradation sécuritaire face aux attaques jihadistes dans le nord du pays, abandon des familles de soldats tombés au combat, dysfonctionnements au sein des forces armées, mesures sociales jugées injustes contre les fonctionnaires et enseignants, ainsi que des restrictions politiques à l’encontre de l’opposition.

Le CMR a proclamé la suspension de la Constitution adoptée en novembre 2025, la dissolution des institutions, la suspension des partis politiques et la fermeture de toutes les frontières. Les militaires ont annoncé vouloir exercer la plénitude des pouvoirs durant une période de transition.

La riposte des autorités légitimes

Quelques heures après l’annonce des mutins, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Allasane Seidou, a démenti la réussite du putsch. Il a qualifié l’action de mutinerie menée par un groupuscule de soldats, affirmant que les Forces Armées béninoises, fidèles à leur serment républicain, avaient fait échec à la manœuvre et repris le contrôle de la situation.

En fin de journée, le président Patrice Talon s’est adressé à la nation dans une allocution télévisée, sa première apparition publique depuis le début de la crise. Le chef de l’État béninois a confirmé que la situation était totalement sous contrôle après avoir nettoyé les dernières poches de résistance des mutins. Il a salué le sens du devoir de l’armée et de ses responsables restés républicains et loyaux à la patrie.

Toutefois, dans un passage préoccupant de son discours, le président béninois a révélé que des personnes étaient encore retenues par les mutins en fuite, promettant de faire front pour les retrouver saines et sauves. Cette déclaration suggère que certains putschistes seraient toujours en liberté et détiendraient des otages, bien qu’aucune précision n’ait été fournie sur leur identité ou leur nombre.

Une mobilisation régionale sans précédent

La réaction de la communauté régionale a été immédiate et ferme. La Commission de la Cédéao a qualifié la tentative de putsch d’action anticonstitutionnelle et de subversion de la volonté du peuple béninois. L’organisation sous-régionale a menacé de déployer sa force régionale en attente pour défendre la Constitution du Bénin.

Cette menace s’est concrétisée dans la soirée lorsque le président de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la Cédéao, le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, a ordonné le déploiement immédiat d’une force régionale vers le Bénin. Cette force, composée de troupes nigérianes, sierra-léonaises, ivoiriennes et ghanéennes, a pour mission de soutenir le gouvernement et l’armée républicaine afin de préserver l’ordre constitutionnel et l’intégrité territoriale du pays.

Le président nigérian Bola Tinubu a confirmé que les forces armées nigérianes étaient intervenues sur ses ordres, à l’invitation du gouvernement béninois, agissant dans le cadre du Protocole de la Cédéao sur la démocratie et la bonne gouvernance. Il a souligné que le Nigéria se tenait fermement aux côtés du gouvernement et du peuple béninois.

L’Union africaine a également condamné fermement la tentative de coup d’État. Le président de la Commission, Mahmoud Ali Yousouf, a appelé tous les acteurs impliqués à cesser immédiatement toute action illégale et à regagner leurs casernes, réaffirmant la position de tolérance zéro de l’organisation continentale face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement.

Un contexte politique tendu

Cette tentative de putsch intervient dans un climat politique délétère à quelques mois de la présidentielle prévue en avril 2026. Le président Patrice Talon, qui achève son second et dernier mandat conformément à la Constitution, ne devait pas se représenter. Le camp présidentiel avait désigné le ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, comme candidat.

Cependant, la principale force de l’opposition, le parti Les Démocrates, a été empêchée de participer au scrutin, alimentant de vives tensions politiques dans le pays. Cette exclusion figure parmi les griefs invoqués par les putschistes pour justifier leur action.

Par ailleurs, le Bénin fait face depuis plusieurs années à une menace sécuritaire croissante dans le nord du pays, où des groupes jihadistes mènent des attaques récurrentes. L’attaque la plus meurtrière a eu lieu en avril 2025, faisant officiellement 54 morts parmi les forces armées béninoises.

Un avertissement pour la sous-région

Cette tentative de coup d’État constitue le deuxième épisode de ce type en moins de deux semaines dans l’espace Cédéao, après le putsch controversé  du 26 novembre dernier en Guinée-Bissau contre le président Umaro Sissoco Embalo. Elle s’inscrit dans une vague inquiétante de changements anticonstitutionnels de gouvernement qui a secoué l’Afrique de l’Ouest ces dernières années.

Le président de la Commission de l’Union africaine a exprimé sa profonde préoccupation face à cette multiplication des coups d’État et tentatives de putsch dans la région, avertissant que ces tendances érodent la confiance des citoyens dans les institutions publiques et mettent en danger la sécurité collective.

Alors que la situation semble revenue au calme à Cotonou, des zones d’ombre subsistent concernant le sort des mutins en fuite et des personnes qu’ils détiendraient. Les autorités béninoises ont promis que cette forfaiture ne resterait pas impunie, tandis que la population est invitée à vaquer sereinement à ses occupations sous la protection des forces de défense et de sécurité.

SOURCE : APA News/AC/ Cotonou (Bénin)

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