Au Burundi, la peur est dans tous les camps

Le Premier ministre Gervais Ndirakobuca vient d’être mis à la retraite anticipée à un mois des législatives.

À Bujumbura, la capitale économique du Burundi, la campagne électorale pour les législatives du mois prochain est loin d’être au centre des préoccupations des habitants. La plupart tentent, chaque jour, de trouver de quoi survivre dans un pays frappé par une crise économique d’une violence jamais vue. “On pensait qu’on vivait l’enfer. Aujourd’hui, avec les coupes dans les aides internationales, on se rend compte qu’on peut encore s’enfoncer plus profondément”, explique une fonctionnaire à la retraite qui, comme tous nos interlocuteurs vivant au Burundi, opte pour l’anonymat.

Burundi : Le président change de Premier ministre

La crise économique se double d’une crise militaire et politique à l’approche du scrutin législatif qui va se dérouler alors que des milliers de soldats burundais sont encore envoyés sur le front de l’est de la République démocratique du Congo voisine, “Sans oublier les milliers de soldats qui ont disparu dans ce conflit. Soit ils sont morts, soit ils ont déserté, soit ils sont emprisonnés au secret pour avoir refusé de combattre dans une guerre qui n’est pas la leur”, explique un membre du parti au pouvoir en « rupture silencieuse” avec sa hiérarchie. “Critiquer le pouvoir, c’est prendre le risque d’être menac, éarrêté ou même assassiné”, continue-t-il en évoquant ces jeunes du parti au pouvoir (CNDD-FDD) sans cesse sous surveillance ou la “mise à la retraite anticipée de Gervais (Le Premier ministre Gervais Ndirakobuca, ancien ministre de l’Intérieur, surnommé “Ndakugarika” (“Je te tue”), surnom reçu lors de son passage dans la rébellion, NdlR)”.

Sa mise à la retraite laisse l’essentiel de tous les pouvoirs du pays entre les mains d’un triumvirat composé du président de la République, du chef d’État-major de l’armée, le général Prime Niyongabo, et du patron du service de renseignement (SNR), le général Ildéphonse Habarurema, alias King-Kong.

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Le plus étonnant, c’est que si la population et l’opposition politique sont sous haute pression, le parti au pouvoir n’est pas serein”, explique un observateur installé lui aussi à Bujumbura. “Le CNDD-FDD a dû forcer la main de nombreux Burundais pour qu’ils s’inscrivent sur les listes des électeurs. Le pouvoir voulait que cette élection soit un plébiscite. Aujourd’hui, on constate régulièrement que les membres de ce parti reprennent de nombreuses cartes aux électeurs. Ils craignent un vote de contestation massif même s’ils gèrent tout le processus électoral”.

“Tout empire”

Le climat électoral additionné aux crises économiques, sociales et militaires fait craindre une nouvelle dégradation dans le pays. Le communiqué du Comité contre la torture (CAT) au Burundi démontre une énième dégradation des droits humains. Entre novembre 2023 et mars 2025, le CAT a relevé 65 cas de disparitions forcées et 137 cas de détentions arbitraires surtout d’opposants politiques. mais aussi 28 cas de torture et 11 exécutions extrajudiciaires très bien documentées. “Ce ne sont que les cas qui ont été dénoncés, explique l’avocat burundais en exil et défenseur des droits humains, Armel Niyongere. “On sait qu’il y a beaucoup plus de cas mais la peur empêche les familles de victimes de chercher la vérité. Elles craignent les représailles et savent que les bourreaux, eux, sont intouchables”.

Source: afrique.lalibre.be

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