Algérie–Égypte : l’apparat pour masquer les vulnérabilités

 

Au Caire, la neuvième Haute Commission mixte égypto-algérienne s’est ouverte sous le signe d’un rapprochement stratégique affiché. Mais derrière les déclarations d’intention, la visite du premier ministre algérien, Seifi Gharib, met surtout en lumière les inconsistances d’une diplomatie économique contrainte, portée davantage par l’urgence que par une vision cohérente.

Le déplacement de Seifi Gharib, le 25 novembre au Caire, a été présenté par Alger comme une étape « déterminante » dans la consolidation des liens politiques et économiques avec l’Égypte. Accueilli par son homologue Mostafa Madbouly, le chef du gouvernement algérien participe à la neuvième session de la Haute Commission mixte, un mécanisme créé en 1988 mais longtemps paralysé par l’absence de stratégie régionale lisible de la part d’Alger.

Le gouvernement égyptien salue une coopération « en progression », citant un commerce bilatéral passé de 872 millions à plus d’un milliard de dollars en 2024. Mais cette embellie, très relative, contraste avec l’incapacité chronique de l’Algérie à attirer durablement les investisseurs étrangers hors du secteur extractif.

Les autorités égyptiennes se montrent d’ailleurs plus explicites : l’objectif, selon Madbouly, est de « stimuler le commerce, les investissements et la coopération sectorielle », notamment dans l’agriculture, l’industrie, l’éducation, l’énergie et les technologies de l’information. Autant de domaines où l’Algérie peine à définir des cadres opérationnels stables, entre révisions réglementaires incessantes, dépendance aux rentes d’hydrocarbures et lourdeurs décisionnelles persistantes. Le discours algérien, lui, reste général, répétitif, et déconnecté d’une réalité marquée par un appareil productif en stagnation et une gouvernance économique souvent improvisée.

Au-delà du commerce, les chiffres des investissements illustrent la dissymétrie : l’Algérie ne pèse que 54,4 millions de dollars en Égypte, quand les capitaux égyptiens engagés en Algérie depuis 2001 atteignent 5,07 milliards de dollars à travers 62 projets employant 7 000 Égyptiens. Cette disproportion interroge la stratégie officielle algérienne, qui proclame vouloir diversifier l’économie tout en laissant perdurer un climat d’affaires peu lisible, marqué par des restrictions bureaucratiques, des hésitations réglementaires et une centralisation excessive des décisions.

Les entretiens avec le président Abdel Fattah Al-Sissi prolongent cette dynamique : l’Égypte insiste sur la « maximisation des résultats » de la Commission mixte, invitant Alger à sortir du registre incantatoire pour entrer dans une coopération concrète. Les discussions portent également sur Gaza, un terrain diplomatique sur lequel l’Algérie proclame beaucoup mais pèse peu, faute d’ancrage régional solide et de capacité réelle à entraîner ses partenaires.

Le seul domaine où Alger paraît avancer est, encore une fois, l’énergie – mais sous leadership extérieur. En octobre 2025, Petrojet, géant égyptien de l’ingénierie pétrolière, a obtenu un contrat de 1,087 milliard de dollars pour le développement du gisement de Hassi Bir Rekaïz. L’opération est présentée comme un succès bilatéral. En réalité, elle révèle surtout que l’Algérie dépend désormais de plus en plus d’expertises étrangères, y compris régionales, pour moderniser et exploiter ses propres ressources.

SOURCE : APA News/MK/ac/Alger (Algérie)

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