Algérie : Code de la route plus répressif, résultats incertains

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Le ministre algérien de l’Intérieur Saïd Sayoud a présenté devant l’APN un nouveau Code de la route aux sanctions alourdies, un texte ambitieux mais dont l’efficacité dépendra surtout de l’application sur un terrain miné par les défaillances structurelles.

Présenté hier devant la commission des transports de l’Assemblée populaire nationale (APN), le projet de loi portant nouveau Code de la route se veut une réponse musclée à l’explosion des accidents, un fléau qui coûte chaque année des milliers de vies en Algérie. Fort de 190 articles répartis en dix chapitres, le texte affiche une volonté claire : durcir le cadre répressif, élargir les responsabilités et criminaliser de nouvelles pratiques. Mais cette architecture imposante soulève une question centrale : la sévérité législative suffira-t-elle à corriger des décennies de laxisme, de corruption et de défaillances structurelles ?

Le projet classe désormais les infractions en contraventions, délits et crimes, avec des peines pouvant atteindre 20 ans de prison et 2 millions de dinars d’amende en cas d’homicide ou de blessures graves, notamment pour les conducteurs de poids lourds, transports collectifs, scolaires ou de matières dangereuses.

La mise en danger de la vie d’autrui devient un crime à part entière, signe d’un durcissement inédit. Le texte engage également la responsabilité pénale des agences de contrôle technique, des auto-écoles, des inspecteurs du permis de conduire et même des responsables de l’aménagement des routes. Une démarche qui élargit le spectre des coupables potentiels, mais risque aussi de masquer l’absence de réforme profonde des infrastructures.

La lutte contre les accidents liés aux drogues et psychotropes figure parmi les priorités. Des analyses médicales prouvant l’absence de consommation seront exigées lors de l’obtention ou du renouvellement du permis, ainsi qu’au recrutement des conducteurs professionnels. Ces derniers seront soumis à des contrôles réguliers et à des tests inopinés.

Mais ce dispositif, déjà appliqué partiellement dans le passé, souffre de sérieux doutes quant à sa faisabilité et à l’intégrité de son application, dans un contexte où les contrôles routiers demeurent inégaux et parfois entachés d’abus.

Le texte détaille également les conditions de suspension et d’annulation du permis, les cas de récidive, la confiscation du véhicule, ainsi qu’une période probatoire de deux ans pour les nouveaux conducteurs. Ces mesures s’alignent sur les pratiques internationales, mais la question de leur contrôle reste entière. Les expériences précédentes ont montré que le problème algérien ne réside pas dans l’absence de lois, mais dans leur mise en œuvre, souvent entravée par le manque de moyens, la faiblesse des inspections et l’impunité.

Le projet crée aussi un Conseil national de la sécurité et de la sûreté routières, chargé de définir la stratégie nationale et de rendre des décisions contraignantes. Cependant, la multiplication d’instances et de structures n’a jamais suffi, par le passé, à enrayer la spirale des accidents.

Sans modernisation des routes, professionnalisation des contrôles et lutte sérieuse contre la corruption dans la délivrance des permis, le nouveau Code de la route risque de n’être qu’un texte supplémentaire dans un arsenal déjà fourni mais peu appliqué.

En affichant des peines lourdes et un arsenal juridique massif, le gouvernement veut démontrer sa détermination. Mais la sécurité routière ne se décrète pas : elle s’administre, se contrôle et se construit. À défaut d’une réforme profonde du système, la sévérité pénale pourrait bien rester une réponse symbolique à un problème profondément structurel.

SOURCE : APA News/MK/AK/Alger (Algérie)

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