Ce lundi 16 septembre 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger célèbrent, le premier anniversaire de leur alliance, ce regroupement – qui avait, au début, des objectifs essentiellement militaires, et qui nourrit aujourd’hui de grandes ambitions politiques, économiques et monétaires. L’AES a-t-elle coupé le pont avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ? Ce n’est pas si sûr ! L’économiste français Olivier Vallée a été conseiller technique au Sahel, notamment au Niger -. Il fait une analyse sur la situation.
En se désolidarisant des autres pays d’Afrique de l’Ouest et de la zone de libre-échange qu’est la Cédéao, ces trois pays ne risquent-ils pas de rencontrer des difficultés dans leurs importations et leurs exportations ?
Non, je ne pense pas, parce que quand on regarde les chiffres, le Bénin, la Guinée – tous les pays portuaires par lesquels s’acheminent des marchandises vers les pays de l’AES – ne sont pas des gros fournisseurs des États de l’AES. Et ces États de l’AES exportent massivement en-dehors des pays de la Cédéao et même en-dehors, aujourd’hui, des pays de l’Union européenne.
Le Niger espérait exporter près de 100 000 barils jour, mais à la suite de la crise avec le Bénin, ce pays ne vend plus une goutte de pétrole. Les pays de l’AES ne vont-ils pas être obligés – de trouver des compromis avec leurs voisins ?
Je ne sais pas si le compromis avec le Bénin est à l’ordre du jour, mais on ne peut pas dire que le Niger ne vend plus de pétrole. Il vend du pétrole raffiné parce qu’il y a une raffinerie à Zinder. Il vend du pétrole raffiné avec une quantité maintenant qui est en augmentation au Nigeria, au Tchad et au Mali. Donc il a un marché régional conséquent, il a un marché national, ce qui a permis d’ailleurs au Niger de baisser les prix à la pompe, en particulier du diesel et du pétrole lampant.
Donc le Niger ne souffre pas trop, pour l’instant, de la baisse de ses exportations de son pétrole brut cette fois-ci, parce qu’il le transforme. Pour ce qui est de l’avenir proche, le Niger explore d’autres voies d’évacuation de son pétrole que Cotonou et je pense que ça a été l’objet des discussions lors de la visite du Premier ministre du Niger à Pékin, lors du sommet Chine-Afrique, qui serait éventuellement de faire partir une partie du pétrole vers le Tchad et ensuite de le faire redescendre vers le Cameroun, à Kribi et de se greffer sur un pipeline qui irait vers le Maghreb et qui évacuerait le pétrole nigérian et le pétrole nigérien.
Lors du sommet de Pékin, le Premier ministre nigérien Lamine Zeine a échangé avec plusieurs de ses voisins de « pipeline alternatif », qu’en est-il exactement ?
Oui, tout à fait, et en particulier avec le partenaire chinois.
Qui serait d’accord pour renoncer à l’utilisation du pipeline déjà construit entre le Niger et le Bénin ?
Je pense que ce pipeline, il est pour l’instant hors de question pour les autorités nigériennes, par rapport à l’attitude du président béninois Patrice Talon, aux menaces en tout cas qu’ils estiment peser sur la sécurité du Niger, de l’utiliser.
Au mois de Juillet dernier, lors d’un colloque à Bruxelles, le ministre malien des Affaires étrangères déclarait qu’avec la Cédéao, on va se parler et identifier des moyens de coexistence ». Pensez-vous qu’il y a une éclairci ?
Ce n’est pas par hasard que c’est le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, qui se préoccupe d’une coexistence plus harmonieuse avec la Cédéao, parce que c’est le Mali qui est le pays le plus exposé à des rétorsions d’un pays de la Cédéao. Là, en l’occurrence, c’est la Côte d’Ivoire qui vient de rétablir-comme elle le fait d’ailleurs périodiquement – des cartes de séjour payantes avec des tarifs élevés. Et donc la diaspora malienne, qui est très importante, ne roule pas, n’est pas favorable aux orientations de son gouvernement au sein de l’AES.
Donc il est évident que, par le biais de rapprochement avec l’institution ouest-africaine, le ministre Diop parle pour tous les citoyens de l’AES qui se trouvent dans des pays côtiers de façon à ce qu’ils ne se trouvent pas en butte à des conditions trop détériorées. Parce que, bien entendu, ça a énormément d’impact sur la popularité des deux comités militaires qui dirigent le Mali et le Burkina Faso.
Par populations interposées, notamment les diasporas malienne et burkinabè en Côte d’Ivoire, Abidjan a-t-elle des moyens de pression sur Bamako et Ouagadougou ?
Ce n’est pas directement un moyen de pression, mais la Cédéao, d’une façon bien molle il est vrai, permettait un arbitrage ou un recours. Et c’est peut-être cette espèce de demi arrangement que le ministre Diop sollicite pour les diasporas burkinabè et malienne.
Source : rfi.fr
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