Le mécanisme européen, applicable à partir de janvier 2026, introduira un coût carbone sur les importations de produits à forte intensité en gaz à effet de serre tels que le fer, l’acier, le ciment, les engrais, l’aluminium ou encore l’électricité.

À moins de trois mois de l’entrée en vigueur du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne, les petites et moyennes entreprises (PME) marocaines se retrouvent face à une urgence réglementaire inédite. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) alerte sur le risque de marginalisation de ces acteurs essentiels de l’économie nationale et plaide pour une réponse coordonnée afin de préserver la compétitivité du pays sur le marché européen.

L’objectif du MACF est d’éviter que les entreprises européennes soumises à des politiques climatiques strictes ne soient désavantagées face à des concurrents étrangers. Selon les estimations du CESE, le prix de la tonne de CO₂ oscillera entre 60 et 100 euros, un niveau susceptible de peser lourdement sur les exportations marocaines.

Les conséquences se feront particulièrement sentir dans les filières industrielles exposées. À court terme, environ 3,7 % des exportations marocaines vers l’Union européenne sont concernées. Mais l’impact pourrait rapidement s’étendre à d’autres secteurs clés comme l’automobile, l’aéronautique ou les matériaux de construction, dès que le MACF inclura les émissions indirectes.

Pour le CESE, trois freins majeurs entravent la préparation des PME : le déficit de compétences techniques pour mesurer les émissions, la contrainte financière liée aux investissements requis, et le manque d’accès à l’information. Sans experts qualifiés, nombre d’entreprises devront se conformer à des valeurs par défaut souvent défavorables.
« Les petites entreprises marocaines doivent supporter seules les coûts d’adaptation et faire certifier leurs bilans carbone par des vérificateurs européens, sans bénéficier des allégements prévus pour les PME de l’Union », avertit l’institution. En Europe, les importateurs de moins de 50 tonnes de CO₂ par an sont exemptés, un avantage dont ne bénéficient pas les partenaires commerciaux extérieurs.

Face à cette asymétrie, le CESE recommande l’instauration d’une taxe carbone nationale progressive. Celle-ci permettrait de neutraliser partiellement les coûts imposés par le MACF et de financer un fonds de transition écologique dédié aux PME. Selon les projections du Conseil, une telle mesure pourrait générer entre 2,7 et 3 milliards de dirhams par an, finançant la formation de compétences techniques et la modernisation des procédés industriels.

Le Maroc dispose déjà de leviers tels que la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le programme Tatwir économie verte, mais leur mise en œuvre reste fragmentaire. Les experts prônent désormais une approche sectorielle ciblée, priorisant les filières structurées du ciment et de l’acier, avant d’élargir la réforme à l’ensemble des industries exportatrices. Une course contre la montre est engagée : sans adaptation rapide, les PME marocaines risquent d’être écartées d’un marché européen qui absorbe près de 60 % des exportations industrielles du Royaume.

SOURCE:APANews/APA-Rabat (Maroc)