Comment la fortune de 4 milliardaires africains dépasse la richesse de la moitié du continent

0 21

 

A eux seuls, quatre milliardaires africains détiennent une fortune estimée à 57,4 milliards de dollars, soit plus que la richesse combinée de 750 millions d’africains réunis, c’est-à-dire la moitié de la population du continent.

Cela peut sembler invraisemblable, mais c’est pourtant la réalité que révèle un rapport publié par l’ONG Oxfam en juillet 2025.

Cette concentration extrême des richesses est le résultat d’un modèle économique inégalitaire qui favorise les très riches, au détriment des services publics et de la lutte contre la pauvreté.

Oxfam appelle à une fiscalité plus juste pour réduire les inégalités et financer l’accès à l’éducation, à la santé et à l’eau potable.

Mais qui sont ces 4 milliardaires africains plus riches que près d’un milliard de personnes et comment il ont bâti leur fortune ?

 

 

Richesse immense contre inégalités extrêmes

« Les richesses de l’Afrique ne manquent pas, elles sont dilapidées par un système truqué qui permet à une petite élite d’amasser d’immenses fortunes tout en privant des centaines de millions de personnes des services les plus élémentaires. Il ne s’agit pas d’une malchance. C’est un échec politique et cela doit changer », a déclaré Fati N’Zi-Hassane, Directrice d’Oxfam en Afrique.

Selon Oxfam, cette concentration extrême des richesses dans les mains de quelques personnes, est le résultat direct d’un modèle économique profondément inégalitaire, qui profite davantage aux très riches grâce à des systèmes fiscaux favorables aux entreprises et aux grandes fortunes, des exonérations d’impôts et avantages fiscaux, la privatisation de secteurs stratégiques (comme l’énergie, les télécoms ou le ciment), et, parfois, des pratiques commerciales qui renforcent la position dominante de quelques acteurs.

« Les inégalités extrêmes menacent de saper la démocratie, entravent la réduction de la pauvreté et la croissance, aggravent la crise climatique, accentuent les injustices entre les sexes et conduisent au déni des droits fondamentaux et de la dignité des citoyens ordinaires », souligne l’ONG.

Les milliardaires tirent leur fortune principalement de secteurs comme l’extraction minière, le ciment, la construction et l’agro-industrie, des secteurs où les marges sont importantes et où le pouvoir économique se concentre facilement.

Dans un rapport sur les inégalités publié en 2023, Oxfam a conclu : « Chaque milliardaire est une erreur politique. L’existence même de milliardaires en plein essor et de profits records, alors que la plupart des gens sont confrontés à l’austérité, à l’augmentation de la pauvreté et à une crise du coût de la vie, est la preuve d’un système économique qui ne répond pas aux besoins de l’humanité ».

Cette inégalité a conduit de nombreux pays à réclamer des impôts sur la richesse absolue plutôt que sur les revenus.

Selon le classement établi par le magazine Forbes en début d’année, les quatre premiers milliardaires du continent sont le Nigérian Aliko Dangote (ciment, sucre, engrais, pétrole), les Sud-Africains Johann Rupert (industrie du luxe) et Nicky Oppenheimer (diamants), ainsi que l’Egyptien Nassef Sawiris (BTP et industrie).

Aliko Dangote, Nigeria (23,3 milliards de dollars)

Aliko Dangote est un homme d’affaires nigérian né le 10 avril 1957 à Kano, au Nigeria. Il est considéré comme l’une des figures les plus emblématiques de la réussite entrepreneuriale en Afrique.

Fondateur et président de Dangote Group, un conglomérat industriel majeur, il est souvent classé comme l’homme le plus riche du continent.

Aliko Dangote est connu dans plusieurs secteurs d’activités : ciment, sucre, sel, farine, pâtes alimentaires, engrais, pétrole et gaz.

Issu d’une famille commerçante aisée (sa famille faisait déjà du commerce de produits agricoles et d’import-export), Dangote a su transformer cet héritage en bâtissant un empire industriel.

En 1977, à l’âge de 20 ans, après avoir obtenu un prêt de son oncle, Dangote lance une petite entreprise de négoce de produits alimentaires à Lagos. Il importe alors du riz, du sucre et du ciment qu’il revend au Nigeria.

Grâce à un bon sens des affaires et à des relations solides, son commerce prospère rapidement.

Constatant que l’importation seule limite la croissance, Dangote décide, dans les années 1990 et 2000, d’investir dans la production locale pour mieux contrôler la chaîne de valeur :

 

    • Construction d’usines de transformation du sucre et du sel;
    • Création de moulins à farine;
    • Lancement de Dangote Cement, qui deviendra le plus grand producteur de ciment d’Afrique subsaharienne

 

Cette stratégie d’intégration verticale (produire localement plutôt qu’importer) lui permet de réduire les coûts, d’augmenter ses marges et de dominer le marché.

À partir des années 2010, Dangote élargit ses activités à de nouveaux secteurs stratégiques : construction d’une des plus grandes raffineries de pétrole au monde, inaugurée en 2023, production d’engrais et investissements dans l’agriculture et le transport.

Il développe ensuite Dangote Group hors du Nigeria, en construisant des usines de ciment au Sénégal, en Éthiopie, en Tanzanie, en Afrique du Sud, etc.,consolidant sa place d’acteur panafricain.

Johann Rupert, Afrique du Sud (14,2 milliards de dollars)

Johann Rupert est un homme d’affaires sud-africain, né le 1ᵉʳ juin 1950 à Stellenbosch, en Afrique du Sud. Il est surtout connu pour être à la tête du groupe Richemont, l’un des plus grands conglomérats mondiaux du luxe.

Johann Rupert est le fils d’Anton Rupert, un industriel sud-africain qui a fondé Rembrandt Group (devenu Remgro), une entreprise d’abord centrée sur le tabac avant de se diversifier.

Johann Rupert a hérité d’une partie de cet empire, tout en jouant un rôle majeur dans sa transformation et son expansion.

En 1988, Johann Rupert fonde le groupe Richemont en Suisse, à partir des actifs internationaux de Rembrandt.

Richemont est devenu un géant du luxe, propriétaire de marques emblématiques comme Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc, Piaget, IWC ou encore Vacheron Constantin.

Le groupe s’est concentré sur l’horlogerie, la joaillerie et les accessoires de luxe, un secteur en forte croissance mondiale.

En parallèle, Rupert a continué à diriger et développer Remgro, investissant dans différents secteurs : services financiers, santé, alimentation, télécommunications, etc.

Il détient également une part significative dans Reinet Investments, un fonds basé au Luxembourg.

Selon Forbes (2025), Johann Rupert est régulièrement classé comme l’un des hommes les plus riches d’Afrique, avec une fortune estimée à environ 15 milliards de dollars.

Il a parfois même dépassé Aliko Dangote en tête du classement africain selon les fluctuations boursières.

 

 

Nicky Oppenheimer, Afrique du Sud (10,2 milliards de dollars)

Nicky Oppenheimer, né le 8 juin 1945, est un milliardaire sud-africain et l’une des personnalités les plus en vue de l’industrie du diamant.

Il est l’héritier de la troisième génération de la fortune de la famille Oppenheimer, qui s’est principalement constituée grâce au contrôle qu’elle a exercé sur De Beers, l’une des principales sociétés diamantaires au monde, et sur Anglo American, une société minière multinationale.

Nicky Oppenheimer a fait ses études à la Harrow School, au Royaume-Uni, puis à Christ Church, à Oxford, où il a obtenu un diplôme en politique, philosophie et économie.

À la fin des années 1970, Nicky a rejoint l’entreprise familiale et a gravi les échelons, devenant finalement vice-président d’Anglo American, puis président de De Beers.

Sous sa direction, De Beers est passée d’une société axée sur l’exploitation minière à une entreprise plus diversifiée, mettant davantage l’accent sur l’image de marque et la vente au détail.

En 2012, il a pris la décision historique de vendre la participation familiale de 40 % dans De Beers à Anglo American pour 5,1 milliards de dollars, marquant ainsi la fin du contrôle exercé par la famille Oppenheimer sur l’empire du diamant pendant un siècle.

Bien qu’il se soit retiré de De Beers, M. Oppenheimer reste une figure influente du monde des affaires. Depuis, il s’est concentré sur la gestion de la fortune de sa famille par l’intermédiaire de la société d’investissement privée Stockdale Street et s’est diversifié dans divers secteurs, notamment l’agriculture, la conservation et le capital-risque.

Il est également très impliqué dans les efforts philanthropiques, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la conservation et de l’économie sociale.

Nassef Sawiris, Egypte (9,4 milliards de dollars)

Né le 19 janvier 1961, Nassef Sawiris est un homme d’affaires milliardaire égyptien, et l’une des personnes les plus riches d’Afrique et du monde arabe.

Il est le plus jeune fils de Onsi Sawiris, fondateur du conglomérat Orascom.

Diplômé en économie de l’Université de Chicago, Nassef Sawiris fait partie de la puissante et influente famille Sawiris, l’une des plus grandes dynasties d’affaires d’Égypte. Ses frères sont Naguib Sawiris (télécoms et médias) et Samih Sawiris (tourisme et immobilier).

Son principal empire industriel est OCI N.V. (anciennement Orascom Construction Industries), un leader mondial de la production d’engrais azotés, de méthanol et d’autres produits chimiques, ainsi qu’un acteur important dans le secteur du génie civil et de la construction.

En 2023, OCI a fusionné ses activités d’engrais au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec ADNOC pour créer ADNOC Fertiglobe, OCI restant actionnaire principal.

Il est le premier actionnaire individuel du géant allemand du sport adidas AG, dont il détient près de 10 % via sa société d’investissement NNS Holding B.V. Cette participation constitue une part importante de sa fortune.

Il détient également une participation substantielle (environ 11 à 12 %) dans le plus grand cimentier mondial, Holcim Ltd (anciennement LafargeHolcim), également via NNS Holding.

Il est constamment classé comme la personne la plus riche d’Égypte et l’une des plus riches d’Afrique et du monde arabe.

Sa fortune fluctue selon les marchés et le prix des matières premières, mais est généralement estimée entre 8 et 9 milliards de dollars US (à mi-2024/2025).

Ses principales sources de richesse sont ses participations dans OCI/ADNOC Fertiglobe, Adidas et Lafarge Holcim.

Avec ses frères, il est un grand philanthrope à travers la Sawiris Foundation for Social Development, créée par leur père. La fondation soutient des projets d’éducation, de santé et de développement économique en Égypte.

Il a personnellement fait un don de 20 millions de dollars à l’Université de Chicago (dont il est diplômé) pour financer des bourses destinées aux étudiants égyptiens.

Un débat qui dépasse l’Afrique

En Afrique, les hommes possèdent trois fois plus de richesses que les femmes, soit l’écart de richesse entre hommes et femmes le plus important de toutes les régions du monde, selon Oxfam.

En 2000, l’Afrique ne comptait aucun milliardaire. Aujourd’hui, elle en compte 23, dont la fortune cumulée a augmenté de 56 % au cours des cinq dernières années, atteignant 112,6 milliards de dollars.

Le rapport révèle une grave crise des inégalités aggravée par des politiques qui profitent aux élites et affaiblissent les services publics. Plus d’un tiers des Africains vivent encore sous le seuil international de pauvreté.

La majorité n’a pas accès à des services essentiels comme l’eau potable, la santé ou l’éducation de qualité.

Les États africains perdent chaque année des milliards de dollars en recettes fiscales à cause des exemptions et de l’évasion fiscale pratiquée par certaines grandes entreprises.

Le contraste est donc saisissant : pendant que la fortune des plus riches augmente, les inégalités s’aggravent, et des millions de personnes restent piégées dans la pauvreté.

Ce rapport relance aussi un débat mondial sur la fiscalité des ultra-riches et le rôle des États pour corriger les excès du système économique actuel. Car derrière ces chiffres vertigineux, c’est bien la question de l’équité et du modèle de développement qui est posée.

 

Source: abidjan.net

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.