Kamal Okba dénonce l’ultra-dominance de la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel), qui détient 80 % du marché des télécommunications, et appelle à une régulation plus efficace pour un écosystème numérique plus équilibré.
Le Directeur général de YAS Sénégal, Kamal Okba, a plaidé jeudi pour une régulation plus efficace du secteur des télécommunications au Sénégal, dénonçant « une ultra-dominance d’un seul opérateur, qui monopolise depuis vingt ans environ 80 % de la valeur du marché. »
S’exprimant lors d’une activité organisée par son entreprise, M. Okba a souligné que cette situation « freine l’innovation, la créativité et bien d’autres avancées cruciales » dans le secteur du numérique au Sénégal.
« Nous devons nous interroger sur les solutions à mettre en œuvre pour assurer un développement harmonieux du secteur tout en instaurant un équilibre concurrentiel. Comment garantir un environnement sain lorsque trois opérateurs évoluent dans un marché où un seul détient 80 % de la valeur ? », s’est-il interrogé.
Le dirigeant de YAS Sénégal, qui affirme ne détenir que « 14% de la valeur du marché », a expliqué que son entreprise doit « faire face aux mêmes charges que l’opérateur ultra-dominant : coûts de fréquence, coûts de numérotation, et toutes les autres charges », ce qui limite « considérablement » sa capacité de développement.
Des barrières à l’interconnexion
Pour illustrer l’impact de cette situation, M. Okba a évoqué le cas de Wave, qui souhaitait choisir YAS comme centre d’appel. « Des barrières à l’interconnexion ont été imposées, avec des tarifs prohibitifs. Ce manque de régulation nous a obligés à accepter des coûts multipliés par dix, passant de 300-400 millions à 4 milliards sur trois ans », a-t-il révélé.
Selon lui, cet impact financier aurait pu être consacré à l’investissement, permettant à l’opérateur d’augmenter sa couverture et d’atteindre « 2 000 sites au lieu de 1 700 » actuellement.
Le DG de YAS a rappelé que le secteur des télécoms est basé sur « une logique d’investissement continu, entre 15 et 25 % du revenu annuel », nécessaire pour suivre les évolutions technologiques. Il estime que la position ultra-dominante d’un acteur contrôlant 80 % de la valeur du marché peut réduire l’incitation à investir, entraînant « un déficit d’investissement de l’ordre de 500 milliards sur dix ans. »
Face à cette situation, M. Okba a préconisé plusieurs mesures pour rééquilibrer le marché. « Le partage d’infrastructures devrait être obligatoire avec une tarification basée sur les coûts réels. Cela concerne la fibre et l’ensemble des infrastructures télécom », a-t-il affirmé, plaidant également pour « une régulation efficace, qui déclare l’opérateur dominant et lui impose des règles garantissant une concurrence saine. »
Il a également évoqué « un principe de symétrie, notamment sur les tarifs de la voix, pour donner un espace aux plus petits acteurs. »
M. Okba a toutefois précisé que son entreprise ne souhaite pas mettre à mal l’opérateur dominant, qu’il considère comme « une fierté sénégalaise» jouant un rôle majeur en Afrique. Il estime néanmoins qu’un marché équilibré, où la compétition est renforcée, bénéficierait à tous les acteurs et, surtout, aux consommateurs.
Pour une rationalisation des infrastructures
Le DG de YAS a particulièrement insisté sur la nécessité de rationaliser les infrastructures. « Il n’est pas logique que chaque opérateur doive créer une route pour atteindre une destination comme Casamance, alors qu’une route existe déjà », a-t-il expliqué, soulignant l’importance de rendre cette infrastructure accessible à l’ensemble des opérateurs, moyennant une tarification juste et équilibrée.
Dans les zones urbaines, comme le quartier de Keur Gorgui à Dakar, où lorsqu’un opérateur a déjà creusé pour installer la fibre, il serait plus efficace que les autres réutilisent cette infrastructure, plutôt que de creuser à nouveau pour le même objectif.
Pour illustrer le gaspillage actuel, M. Okba a cité l’aéroport de Diass, où trois pylônes se trouvent côte à côte, alors qu’un seul suffirait pour accueillir l’ensemble des opérateurs.
Le dirigeant de YAS s’est également inquiété du niveau élevé des taxes et des coûts de fréquence au Sénégal. « Aujourd’hui, nous payons jusqu’à sept fois plus que la Mauritanie, et deux à trois fois plus que la Côte d’Ivoire sur les coûts de fréquences », a-t-il déploré.
« Sur 100 francs dépensés par un client, entre la TVA et les différentes taxes, plus de 40 francs sont prélevés », a précisé M. Okba, estimant que cette situation limite la capacité des opérateurs à investir dans le réseau.
ARD/te/Sf/APA
Source:fr.apanews.net